Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/980

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même[1], des choses déshonorantes. « Capponi prit le papier des mains du roi, le déchira avec colère, disant que, puisqu’on ne voulait pas s’accorder, les choses se termineraient d’autre manière : que le roi fît sonner ses trompettes, la république ferait sonner ses cloches (che lui sonerebbe le trombe e noi le campagne). » A son retour, Capponi fut plus puissant que jamais. S’étant montré ensuite ennemi de Savonarole, il devint suspect à la multitude, et fut tué d’un coup d’arquebuse dans une des petites batailles qui se livraient aux environs de Florence.

Pagol-Antonio ou Paul-Antoine Soderini (qu’il ne faut pas confondre avec Pierre Soderini, gonfalonier après la mort de Savonarole), quoiqu’allié par le sang aux Médicis, avait blâmé les excès de Pierre et tenté d’arrêter sa tyrannie. Lorsque Pierre, se voyant menacé, avait cru devoir consentir à des concessions, Soderini avait été nommé ambassadeur à Venise; il revenait, jeune encore, de ce poste élevé au moment où se place le dialogue. — Le troisième interlocuteur, Pierre Guichardin, est l’ami des deux précédens : il a rempli des fonctions élevées sous les Médicis ; mais son caractère est à peine indiqué dans le dialogue, où il se borne le plus souvent à donner la réplique. — En face de ces trois interlocuteurs jeunes, ardens, enivrés de la récente révolution qui est en partie leur œuvre et qu’ils vantent sans cesse, l’auteur a placé un vieillard, Bernardo del Nero, qui ne partage pas leur triomphe ni leurs espérances. Bernardo regrette les Médicis, sous lesquels il a occupé dans l’état des charges importantes. Il les regrette d’abord pour l’affection qu’il portait à cette famille, et ensuite parce qu’il sait bien que les changemens sont le plus souvent nuisibles. Soderini et Capponi ont beau lui dire que cette révolution-ci est la dernière, et qu’en inaugurant enfin le gouvernement modéré des ottimi, comme à Venise, à une égale distance de la tyrannie et du gouvernement purement populaire, elle clôt la période d’instabilité politique dont il a été le témoin : il répond en invoquant la froide et triste expérience ; il leur montre qu’ils sont déjà dépassés en dépit de leur bon vouloir et de leur patriotisme, et que l’influence de Savonarole a constitué l’autorité populaire. Pour lui, tenant pour chimérique leur modération impuissante et ne voulant rien entendre à leurs tempéramens, il préfère, une fois la domination des Médicis détruite, le gouvernement de tous à ce qu’il traite de fiction; mais tout cela est dit avec une douce franchise, pleine d’aménité, et reçu avec beaucoup de marques de respect. Bernardo reconnaît lui-même que<les jeunes gens sont à présent plus instruits qu’on ne l’était de son temps. Grâce aux tra-

  1. Histoire florentine, page 118.