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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août 1861.


Si les idées de l’ancienne politique, où l’on voyait son bien dans le mal des autres, étaient encore de mise, la France pourrait en ce moment goûter certaines satisfactions égoïstes. L’Angleterre exceptée, à laquelle pourtant nous avons le plaisir de donner de mauvais rêves, tous les états qui pouvaient contre-balancer notre influence subissent des déchiremens intérieurs, sont en proie à de graves angoisses. L’Autriche est moins près que jamais de se réconcilier avec la Hongrie et les nationalités dissidentes ; les agitations douloureuses de la Pologne affaiblissent la politique moscovite et la teignent d’une vilaine couleur de barbarie; la Prusse est plus que jamais empêtrée dans ses velléités et dans ses réserves; les sorcières ont beau lui crier : « Tu seras roi ! » les cauchemars de l’ambition ne font que tourmenter et n’ont pas le pouvoir d’entraîner ce Macbeth qui veut rester honnête. Nos amis eux-mêmes sont plongés dans de grands embarras, et comme un de nos plus subtils moralistes a prétendu que dans le malheur de nos amis il y a toujours quelque chose qui nous plaît, nous pourrions ajouter à nos satisfactions l’agrément de voir le nouveau royaume d’Italie battu en brèche par la cour de Rome, — une autre amie que nous protégeons en l’humiliant, — et par l’anarchie des provinces napolitaines; nous pourrions nous féliciter même de voir l’insolente démocratie américaine s’épuiser dans une guerre fratricide et y perdre son prestige. Voilà les malignes joies dont se repaissaient les politiques de l’ancien régime, celles par exemple que Louis XIV devait goûter quand il châtiait la cour de Rome, quand il soudoyait les Stuarts, quand il mettait l’empereur d’Allemagne aux prises avec le Turc et le Transylvain, quand il couvait de l’œil l’étisie de l’Espagne, quand il voyait les provinces-unies immoler leur meilleur citoyen. C’est en de pareils momens sans doute qu’il savourait l’orgueil du nec pluribus impar. Les Louis XIV de notre époque sont peut-être plus grossiers encore dans