Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/998

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leur égoïsme que ceux du XVIIe siècle, car Louis XIV aujourd’hui, c’est le mob, la vile multitude. Cependant les esprits éclairés et les cœurs élevés répudient l’étroit et méchant sentiment qui fait que l’on contemple le malheur d’autrui en se frottant les mains. On connaît mieux maintenant la solidarité qui unit les peuples : on sait qu’il n’est pas possible que les souffrances des autres profitent à aucun d’eux; on sait au contraire que ceux qui sont placés dans les conditions les plus heureuses ont besoin du bien-être des autres pour consolider et accroître leur propre prospérité. Si donc nous remarquons que pour le moment la France est préservée des maux profonds dont d’autres nations sont atteintes, ce n’est point pour en tirer vanité. La prospérité et la vraie grandeur de la France sont plutôt paralysées par les difficultés qui travaillent les autres états. Néanmoins c’est quelque chose, c’est beaucoup de ne point éprouver soi-même ces difficultés, de n’en avoir que le spectacle et de n’en ressentir qu’indirectement le contre-coup. C’est dans ces limites que nous définissons l’avantage dont jouit la France, comparée à la plupart des autres états. Cet avantage est considérable, et à défaut d’autres on peut le constater avec une satisfaction légitime.

Ce bonheur de n’être que spectateur des orages dont nous sommes entourés sied assez à la vie végétative à laquelle la saison nous invite. Un repos amusé de spectacles, que peut-on souhaiter de mieux en été? C’est la saison où les chefs d’état voyagent, où, en bons princes qu’ils sont, ils font de leurs excursions des amusemens publics; c’est la saison des belles revues, des fêtes sur la place publique, la saison où en effet l’édilité devient la magistrature la plus affairée et la plus populaire. Ce n’est pas à nous de parler du côté pittoresque des voyages de souverains; nous n’avons le droit et le goût d’intervenir dans les passe-temps de ces grands personnages que lorsque des affaires politiques s’unissent à leurs plaisirs. Quelque intérêt politique a-t-il réellement attiré à Paris et conduit-il maintenant à Londres le petit-fils de Bernadette, le jeune roi Charles XV de Suède? On a paru le craindre de l’autre côté du Rhin, où l’on s’offusque de la perspective d’un mouvement scandinave auquel viendraient se heurter les sempiternelles chicanes que l’Allemagne cherche au Danemark. Le roi de Suède a été accueilli avec une sympathie marquée par les populations françaises, et pour notre part il nous semble que l’appui de la France, appui du reste conforme à toutes nos traditions, est dû à toutes les tentatives qui pourront fortifier et pousser en avant les races Scandinaves. Un autre voyage royal a pendant quelques jours préoccupé l’opinion : c’est celui du roi de Prusse. L’on a voulu un instant qu’il vînt au camp de Châlons, et l’on a cru qu’il y viendrait. Le Moniteur nous a informés que la visite du roi de Prusse à Napoléon III était ajournée au mois d’octobre. N’étant point initiés à la politique ésotérique, nous ignorons les combinaisons qui pourraient se rattacher à l’entrevue des deux souverains. Nous n’y voulons rien voir au-delà de l’ac-