ACTE TROISIEME.
Scène PREMIÈRE.
Lugubre nuit, tu faisais les délices du drac aux ailes puissantes ! Il aimait à se laisser bercer par l’orage, à jouer avec les formes capricieuses que l’écume dessine au front des vagues. Son regard était un météore, sa voix une harmonie, son haleine un parfum, sa pensée une extase ! Et voilà que, faible, pauvre et petit, abandonné de ses frères, haï des hommes, il subit une passion fatale ! roi des elfes, souverain des grottes profondes, père des libres esprits de la mer, aie pitié du malheureux qui t’implore ! Rends-lui sa forme éthérée, rends-lui son vol infatigable, rends-lui la sérénité de son âme immortelle ! Délivre-le de ce corps chétif où son essence divine est comme enfermée dans une prison !… Mais il ne m’écoute pas, il ne peut plus m’entendre ! Je ne sais plus la langue mystérieuse qui plane sur les flots d’un horizon à l’autre. Ma voix ne dépasse plus les murs de cette cabane, et quand je crie sur le rivage, la plus petite vague parle plus haut et mieux que moi. tourment de l’impuissance ! horreur des ténèbres ! ma vue ne perce plus le voile des nuits brumeuses, l’étoile ne me sourit plus derrière le nuage, et si j’aperçois encore quelques esprits emportés dans la rafale, leur gaieté me consterne et leur face pâle me fait peur !… Ah ! de la lumière !…
Scène II.
Tiens, t’es là, toi ? Tu t’es donc pas couché, ou t’es déjà levé ?
Vous ne savez donc pas l’heure, patron ?
Cinq heures du matin !
Et vous n’avez pas dormi, vous ! Toute la nuit vous avez tourmenté, grondé, questionné, menacé Francine !
Quéque ça te fait, à toi ? T’écoutes donc aux portes ?
Non ; mais vous parliez si haut et les murs sont si minces que, de mon lit de paille, j’entendais malgré moi.