Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/728

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du nouveau gouvernement, avec le titre de commissaire civil, dans les provinces entre le Tronto et le Pô, le chevalier Rossi mettait la main à l’œuvre dès le 4 avril 1815 par un brûlant appel à tous les Italiens. La fortune semblait d’abord sourire à cette étrange entreprise. Bologne, la ville populeuse et cultivée, faisait fête au roi libérateur devant lequel les Autrichiens s’éclipsaient un instant. Les Napolitains allaient à Florence, à Parme, à Modène, et arrivaient jusqu’au Pô, jusqu’aux confins de l’état pontifical. Au lieu d’aller jusqu’aux Alpes, il fallut bientôt pourtant battre en retraite devant les Autrichiens reprenant l’offensive au nord, tandis qu’au midi lord Bentinck assaillait les états napolitains eux-mêmes au nom de l’Angleterre. Le flot menaçait de se replier de toutes parts sur l’armée libératrice en submergeant cet essai de résurrection italienne. Le dénoûment eut lieu à Tolentino ; ce fut le Castelfidardo du temps, et il ne tourna pas au profit de l’indépendance et de l’unité. Murat n’avait plus qu’à regagner précipitamment Naples pour perdre bientôt la couronne et la vie, et avec lui disparaissait aussi le jeune commissaire civil des provinces réunies, celui qui peu auparavant était encore un avocat brillant de Bologne, et qui désormais n’était plus qu’un proscrit.

Ce rêve avait duré moins de deux mois ; il avait commencé le 22 mars 1815, il s’évanouissait aux premiers jours de mai. Comme il arrive dans toutes les défaites, les vaincus se renvoyaient la responsabilité du désastre. Ce n’était pas, il est vrai, une campagne brillamment conduite ; l’inexpérience et les divisions des généraux napolitains n’étaient pas cependant les seules causes ni même les plus sérieuses d’une si prompte catastrophe. Cette tentative d’affranchissement national n’aurait eu quelques chances que si elle eût trouvé tout au moins dans le pays un appui énergique, une sympathie active, et les Italiens avaient à offrir à cette armée qui s’avançait en libératrice plus de vers sonores et d’acclamations que de soldats et de moyens de vaincre. Murat avait beau multiplier les honneurs et les emplois, et s’efforcer de gagner des cliens à sa cause ; il excitait des défiances, et ceux qui étaient peut-être en secret ses partisans attendaient une bataille pour se prononcer. À cette époque encore d’ailleurs, ces mots d’indépendance et d’unité ne disaient rien aux masses indifférentes et craintives ; ils ne parlaient qu’à l’esprit de quelques membres de l’aristocratie, d’une partie de la bourgeoisie, des lettrés, des hommes d’université. Dernière et puissante raison enfin : cette revendication d’indépendance pour l’Italie se liait étroitement à une question européenne bien autrement grave. Pour qu’une telle entreprise pût réussir en face d’une coalition formidablement armée, il eût fallu que Waterloo fût une