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de coton qu’elle leur expédiait autrefois, et d’atteindre dans sa fabrication les deux tiers de la somme de produits qu’elle a livrés au commerce pendant l’année 1860, si prodigieusement active, En outre l’élévation graduelle du prix des étoffes de coton déplacera un peu le courant des achats, et la faveur publique se portera davantage sur les tissus de laine, de lin, de chanvre, d’alpaca. Comme il arrive invariablement dans les crises de cette nature, les habitudes des consommateurs se seront temporairement modifiées. Envisagée sous ces diverses phases, la question du coton semble donc moins redoutable qu’elle ne paraissait au premier abord, et si la hausse du coton américain a pu atteindre de si fortes proportions sur le marché de Liverpool, il faut surtout en accuser l’agiotage, qui spécule aussi bien sur les cotons que sur les céréales et sur la rente. Une véritable manie s’est emparée de spéculateurs de toute classe, dames, ecclésiastiques, avocats, petits bourgeois ; mais les nécessités de l’industrie n’ont rien à faire avec cette hausse factice, et le cours des cotons indiens est devenu le cours sérieux de la matière première destinée à l’approvisionnement des filatures.

Quoi qu’il en soit, les fabricans anglais manifestaient une grande confiance dans l’avenir avant que la perspective d’une guerre avec l’Amérique ne vînt les effrayer. D’énergiques pionniers, comme il en existe en Angleterre pour toutes les œuvres de progrès, s’étaient déjà mis depuis longtemps à l’œuvre, afin qu’une crise cotonnière ne prît pas leur patrie au dépourvu. Des sociétés fondées à Manchester il y a quelques années ont redoublé d’activité à la nouvelle de la guerre civile des États-Unis ; elles ont envoyé des agens dans tous les pays producteurs de coton, distribué des semences, des machines et des conseils, examiné les échantillons, fait des rapports sur tous les résultats obtenus. En même temps des missionnaires religieux, qui se transformaient en missionnaires du commerce, exhortaient leurs fidèles aussi bien à la culture du coton qu’à la méditation de l’Évangile. De son côté, le gouvernement faisait répandre à profusion des circulaires à l’adresse de ses sujets hindous ; mais, fidèle aux traditions économiques de l’Angleterre, il se gardait bien d’intervenir d’une manière activé entre le producteur et le consommateur. De peur de décourager par son entremise l’initiative individuelle des négocians, il n’a point distribué de primes ni acheté de balles de coton ; il s’est prudemment contenté de son rôle de conseiller, et les Anglais lui en savent gré. Seuls, les industriels du Lancashire, forts de l’année de répit que leur procuraient leurs approvisionnemens considérables, ne se sont peut-être pas mis à l’œuvre avec une énergie suffisante ; mais ils commencent aujourd’hui à suivre l’élan général : ils changent en partie les dispositions de leurs machines, afin d’utiliser le coton hindou en proportions