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beaucoup plus fortes qu’ils ne le faisaient autrefois, et même ils découvrent à ce coton, jadis méprisé, des qualités tout à fait inattendues. L’industrie cotonnière anglaise, plus importante à elle seule que celle du reste du monde, ne consent pas à déchoir : en dépit de la guerre, elle veut non-seulement regagner le terrain perdu depuis 1860, mais encore aller au-delà, et, comme elle avait l’habitude de le faire, dépasser chaque année les progrès de l’année précédente. Pour atteindre son but, il faut qu’elle réussisse à créer de vastes plantations qui puissent remplacer celles de l’Amérique, bientôt perdues pour elle. Le moment est solennel : si elle échoue dans sa tentative, on sait quelles désastreuses conséquences économiques aurait le déplacement de cette industrie, qui fait vivre aujourd’hui plus de cinq millions d’Anglais ; si elle réussit, elle fait refluer vers l’orient un large courant commercial qui se dirigeait autrefois vers l’occident ; elle porte un coup mortel à l’esclavage en faisant désormais travailler des hommes libres !


III

À quels pays lointains l’Angleterre va-t-elle désormais s’adresser pour compléter chaque année son approvisionnement normal de coton ? Là commence l’embarras du choix, tant sont nombreuses les contrées qui proposent concurremment de contribuer pour une grande part à l’alimentation des filatures. Les unes produisent le cotonnier herbacé, d’autres le cotonnier arbuste ou le cotonnier arborescent ; ici les planteurs offrent des cotons longue soie, ailleurs des cotons courte soie, des fibres blanches, jaunes ou beurrées. Les terrains les plus différens conviennent à la culture de la plante : telle espèce se plaît au bord de la mer et dans un sol sablonneux, telle autre croît parfaitement à l’intérieur des terres, d’autres espèces encore s’élèvent à une assez grande altitude sur les pentes des montagnes. Un hectare de terrain bien cultivé produit en moyenne 2 balles de coton ; 1 million d’hectares, c’est-à-dire un territoire inférieur en étendue à deux départemens français, suffirait donc pour fournir régulièrement à l’Angleterre 2 millions de balles : on le voit, ce n’est point l’espace qui manque dans l’immense empire colonial de la Grande-Bretagne. Si la demande des filatures allait en croissant, la production des pays où réussit la culture du cotonnier s’élèverait d’une manière pour ainsi dire illimitée.

Parmi les contrées qui s’offrent à produire une quantité considérable de coton pour les marchés d’Europe, il répugne de citer d’abord les Antilles espagnoles et les contrées de l’Amérique méridionale encore cultivées par des esclaves. On peut prétendre, à tort ou à raison, que les lois de l’économie politique différent de celles de la