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dans la situation réciproque des peuples et dans le contingent de leur avenir, sur lesquelles il ne sert de rien de se taire. De même qu’il est heureux pour un pays de savoir souffrir, dans la bouche de ceux qui l’aiment assez pour ne pas le flatter, des vérités qui ne sont pas faites pour lui plaire, de même les nations, dans leurs rapports entre elles, ont plus à gagner à ne jamais déserter leurs grands intérêts qu’à en abdiquer la défense dans de regrettables compromis. Des relations habituelles libres et franches, dans lesquelles chacun s’interdit également les exigences injustes et les complaisantes faiblesses, sont le plus sûr moyen de prévenir les suites fâcheuses des antagonismes, dont il est au-dessus de la puissance humaine de faire disparaître les causes.

Le conflit qui divise les États-Unis, le différend anglo-américain, se liaient trop intimement aux questions que j’ai traitées pour que, même dans un écrit où je cherchais les moyens de faire prévaloir le droit sur le fait, les principes sur les intérêts, j’aie pu passer sous silence des événemens dont tous les esprits sont préoccupés. Quelque tournure que prennent ces événemens, le but vers lequel je me suis efforcé de diriger l’attention des lecteurs de la Revue ne restera pas moins important à poursuivre. L’honneur de donner au monde un code maritime en harmonie avec la civilisation moderne nous toucherait plus, je n’hésite pas à le croire, qu’une nouvelle gloire militaire, celle de toutes les gloires qui nous manque le moins. Les déclarations du traité de Paris n’ont été, on l’a dit avec raison, qu’un programme à méditer. Ces déclarations ont posé les bases du futur droit maritime ; elles n’en ont ni éclairci les obscurités ni placé la pratique à l’abri de la plupart des contestations qui sont nées et qui naîtront encore dans toutes les guerres, si les gouvernemens, éclairés par l’expérience, n’en préviennent pas le retour. Plus la France a montré d’abnégation en consentant à effacer la course du code maritime de l’Europe, plus elle est fondée à dire aujourd’hui : « Notre œuvre est restée incomplète, ayons le courage et l’honneur de la terminer. Que chacun suive l’exemple que j’ai donné, que chacun s’inspire des sentimens d’humanité qui m’ont déterminée, et que chacun sache faire ses sacrifices. » Tout son passé autorise la France à tenir ce langage, et l’influence qu’elle s’est acquise dans les affaires du monde lui permet d’aspirer au rôle généreux de champion du droit contre la force.

Il est aisé de comprendre les motifs qui ont rendu insuffisantes les déclarations du traité de Paris. On était pressé d’en finir ; l’accord n’avait pas toujours régné parmi les plénipotentiaire ; plus d’une question incidente avait failli troubler l’harmonie ; très probablement on n’aurait pas réussi à s’entendre, si on avait cherché