Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et des difficultés matérielles que rencontrait cette entreprise. — Eh bien ! répondit-il laconiquement, recueillez ce que vous pourrez, et inscrivez mon nom pour la différence. — Cette différence fut de 600 livres sterling par an ! Qui ne se souvient, s’écrient encore les sportsmen enthousiastes, de cette furieuse charge de cavalerie, à Balaclava, qui excita la surprise des Français eux-mêmes ? Elle était conduite par un brave chasseur de renard. On peut par là se faire une idée, selon eux, de ce que serait un régiment composé de fox-hunters, et sans aucun doute il s’en formerait un au jour du danger dans tous les comtés de l’Angleterre, s’il s’agissait de combattre une armée d’envahisseurs. Ce dernier point de vue mérite surtout d’arrêter l’attention depuis l’origine du mouvement des volontaires, qui annonce chez la nation britannique la ferme résolution de s’appuyer en grande partie sur elle-même pour la défense intérieure du pays.

À table, je pus aussi m’apercevoir d’un des attraits de la chasse au renard, que je n’avais pas encore bien saisi jusque-là : cet attrait, c’est ce que les Anglais appellent convivialité. Dans les campagnes, grâce aux lignes de démarcation que tracent à chaque instant les usages de la société, les habitans seraient assez disposés à vivre seuls et retirés sur leurs terres. La chasse intervient alors comme le lien des réunions et souvent des amitiés durables. Dans plus d’un cas, elle efface la distance entre le gentleman et le nobleman. La science de la vénerie constitue une sorte de franc-maçonnerie dont les membres se fréquentent et s’entr’aident volontiers. Tout sportman est un frère pour les autres sportsmen. Je pus juger moi-même de l’influence qu’exerce ainsi la chasse sur tout un côté des mœurs anglaises par la liberté, les bons rapports et l’entente cordiale qui régnaient entre les convives. Le squire était gai et affable. Sa femme possédait, dit-on, des connaissances étendues ; mais, comme beaucoup d’Anglaises, elle mettait à cacher le fruit de ses études le soin qu’apportent les femmes dans d’autres pays à parler de ce qu’elles ne savent pas ou de ce qu’elles savent mal. Ne m’étais-je point trouvé à Olveston près d’une des filles du pasteur qui savait le grec et les mathématiques ? Je ne m’en serais jamais douté, si le secret n’eût été trahi par son père. Malgré cette réserve, la femme du squire n’en faisait pas moins les honneurs de chez elle avec une bonne grâce qui n’avait rien d’affecté. Les plaisirs de la société entrent certainement pour moitié dans les plaisirs de la chasse. Les anciens sportsmen parlent encore avec admiration d’Oakley house, résidence du feu duc de Bedford ; non-seulement cette troupe de chasseurs, dont le chef avait pris pour devise nulli secundus, avait élevé l’art de la vénerie à un degré qui n’a jamais été surpassé, mais la marquise de Tavistock, qui demeurait alors