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dans le château, jetait, dit-on, un charme inexprimable sur les réunions qui couronnent une dure journée de fox-hunting. Ne m’a-t-on point parlé aussi de M. Campbell, le laird de Saddell en Écosse, qui réunit les rares qualités d’un bon cavalier, d’un excellent chasseur, d’un poète et d’un chanteur remarquable ?

Les chasseurs anglais sont parfois des excentriques, comme tous les hommes que possède une manie dominante ; mais après tout c’est parmi eux que l’on trouve des caractères. Ceux qui étaient réunis avec moi autour de la même table, quoique appartenant, à ce que les Meltoniens appellent volontiers le style campagnard, ne manquaient ni d’esprit ni de gaîté. Leur conversation, qui roulait en grande partie sur la mort du renard, abondait en citations latines, habitude qui s’est conservée, je ne sais trop pourquoi, parmi les chasseurs instruits. Cette mort du renard est une épopée qui a commencé au moyen âge, mais à laquelle chaque jour, comme on pense bien, ajoute des épisodes nouveaux. L’animal aux abois a recours aux ruses les plus imprévues, et se réfugie souvent dans les endroits auxquels on s’attendait le moins pour échapper à la dent des chiens. Un renard avait dernièrement cherché un asile dans la cave d’un public house, qui se trouvait sur la route : il fut tué aux flambeaux par la meute acharnée ; un autre vint demander grâce en se glissant sous les larges jupes de lady Mary Stanhope, qui se promenait alors dans son parc. Les annales du turf célèbrent surtout l’esprit, la ruse et le courage du renard écossais. Les chiens avaient poursuivi un de ces animaux qui, serré de près par la meute, trouva moyen de grimper sur le toit d’une maison. De cette position élevée, il regarda tout autour de lui comme pour reconnaître l’approche de l’ennemi. Un vieux fox-hound le força dans sa retraite, escaladant les murs de la chaumière. Il allait saisir le renard, quand celui-ci prit le parti extrême de s’élancer dans le trou de la cheminée. Les chiens, qui avaient fini par suivre leur chef, regardèrent l’un après l’autre l’embouchure fumeuse du volcan, mais n’osèrent point s’y précipiter. Cependant le renard tomba comme une boule de suie sur les genoux d’une vieille femme qui se chauffait devant l’âtre, entourée de ses nombreux enfans. Qu’on se figure la surprise et l’effroi de cette pauvre famille écossaise à la vue d’un tel envahisseur ! Quand les chasseurs entrèrent dans la maison, ils trouvèrent le renard en possession de la cuisine, car la mère et les enfans s’étaient retirés dans un coin où ils se tenaient blottis et immobiles de peur. Dans le Dumfriesshire, on avait forcé parmi des rochers à peu près inaccessibles un autre renard qui prit enfin la fuite, poursuivi par les chiens. Il courut d’abord avec une grande vitesse ; mais peu à peu ses forces parurent épuisées, et la meute gagnait visiblement sur lui. L’un des chasseurs, qui galopait en