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cependant de ceux qui voyagent avec leur femme ; c’est un trait de la galanterie aux États-Unis. M. Frœbel raconte que, pour sa part, il charmait ses heures de faction, quand aucune menace de danger n’exigeait le silence, par des chants de son pays ; son répertoire durait ses deux heures environ, et s’en allait éveiller comme échos dans le lointain les hurlemens des loups.

Le gibier abonde dans la prairie : il consiste en troupeaux d’antilopes, en lièvres, en toute sorte d’oiseaux, cailles, grues, oies ; on rencontre quelquefois des troupes immenses de buffles divisées en longues bandes à perte de vue, et suivies de loups qui guettent les jeunes. Le veau et la génisse sont un excellent manger ; des mâles, quand la proie est abondante, on ne retire que la langue et les os à moelle. On chasse ces animaux à cheval ; un homme armé d’un revolver à six coups se lance au milieu même d’une des bandes du troupeau ; il choisit une bête ; son succès dépend de son assurance et du mérite de son cheval ; il doit se jeter sur le flanc gauche de l’animal et tirer à bout portant dans l’omoplate. Jamais il n’y a défense collective de la bande ; mais le terrain inégal et crevassé peut faire manquer le cheval, et le chasseur, s’il tombe, court risque d’être écrasé par les buffles.

Le manque d’eau pour les caravanes, car les puits et les mares qui forment des étapes entre le Missouri, l’Arkansas et les autres grands fleuves peuvent être taris, la rencontre des Indiens pour les voyageurs isolés ou peu nombreux, tels sont les dangers les plus redoutables de la traversée des prairies. Parmi ces Indiens cependant, dont les tribus sont sans cesse en guerre entre elles, il en est un certain nombre qui vivent en bonne intelligence avec le gouvernement américain, et qui même reçoivent quelques présens du département indien de Washington pour respecter les passagers de la prairie. Les Comanches, avec qui on était alors en bonne intelligence, vinrent visiter la caravane ; leurs chefs, To-ho-pe-le-ka-ne (Tente blanche), et Way-ya-batosh-ha (l’Aigle blanc), étaient habillés de cuir et portaient des mocassins richement travaillés ; ils avaient le visage teint de cinabre et la tête ornée de plumes d’aigle ; une longue tresse de cheveux leur pendait sur le dos, entremêlée de coquilles d’argent qui sont de plus en plus petites à mesure qu’elles descendent, variant de la largeur d’une soucoupe à celle d’un demi-thaler. Parfois ces sauvages portent des débris d’uniformes américains qui sont tombés dans leurs mains. Lorsqu’ils ont un grave sujet de deuil, ils rasent leurs cheveux et suppriment tout ornement. C’est ainsi que se présenta le grand-chef Och-ach-tzo-mo, qui n’avait pas encore vengé la mort de son fils, tué par les Pawnies. Ces chefs étaient suivis d’une multitude de leurs compatriotes, parmi lesquels se trouvaient des garçons et des jeunes filles qu’ils avaient enlevés dans le Mexique, ce qui est très fréquent.

Les Apaches, qui sont presque toujours en lutte avec les Comanches, habitent les montagnes du Nouveau-Mexique, de la province de Chihuahua et du Texas. Beaucoup de ces sauvages ont une figure régulière et des traits corrects, si ce n’est l’os maxillaire supérieur, qui est très large, et les yeux, qui sont profonds et sombres ; Ils inspirent une grande terreur aux habitans des frontières de la Sonora et du Mexique. Sur le Rio-Gila et le Rio-Colorado,