Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Frœbel vit un grand nombre d’autres tribus indiennes, les Pimas, dont une partie sont chrétiens et dont on fait un grand éloge ; ils pratiquent une sorte de tissage très simple au moyen duquel ils se procurent des ceintures de couleurs éclatantes. Les Cocomaricopas, leurs voisins, se font une coiffure étrange ; ces Indiens ont une énorme chevelure ; ils la tressent, l’enroulent au sommet de la tête et en forment une sorte de turban enduit de terre mouillée qui, en séchant, entoure la tête d’un cercle très dur. Les Cocopas, qui ont une physionomie plus douce que celle des autres sauvages, venaient de s’unir aux Pimas contre la puissante tribu des Yumas, chez lesquels les États-Unis ont bâti une station militaire en un point où le Gila rencontre le Colorado. Ces Indiens ont mauvaise réputation ; ils sont violens, susceptibles, et se sont montrés jaloux de leur indépendance au point d’avoir assassiné plusieurs fois des blancs qui entreprenaient de fonder des colonies militaires sur leurs territoires. Leurs femmes, bien faites et jolies, comme la plupart des Indiennes, laissent flotter leurs longs cheveux et portent pour tout vêtement une petite jupe retenue au-dessus des jambes et composée sur le devant de bandes de coton de couleurs variées. Ce vêtement, disposé avec beaucoup de coquetterie, les fait ressembler à des danseuses de théâtre. Ces Indiennes sont en général gaies, et si ce n’est dans les tribus qu’un fréquent contact avec les blancs a corrompues, elles n’ont pas de mauvaises mœurs. Comme partout dans le monde, le voisinage des Anglo-Saxons est funeste aux races indigènes de l’Amérique. Près d’eux, celles-ci se dépravent, se désorganisent, empruntent à la civilisation blanche ses vices plutôt qu’aucun de ses avantages, et changent peu à peu leur vie de tribus contre celle de brigands. Ils commettent dans le désert de fréquens assassinats, et il y a des passages où des croix et des massifs de pierre en grand nombre signalent les lieux où gisent leurs victimes, et rappellent aux voyageurs qu’il leur faut se tenir soigneusement sur leurs gardes. Les rapts de femmes et de jeunes garçons, surtout sur la lisière du Mexique, sont très fréquens. Un jour un chef demanda une entrevue aux propriétaires de la caravane dont M. Frœbel faisait partie ; devant lui, il planta sa pique, au sommet de laquelle le vent agitait une magnifique chevelure blonde fraîchement scalpée. On raconte qu’une bande de ces sauvages se jeta à l’improviste sur un rancho mexicain, situé à la frontière, où se trouvaient deux jeunes femmes, ayant l’une une fille, l’autre un garçon ; ils s’emparèrent de ces malheureuses et les entraînèrent avec leurs enfans. Un des maris, prévenu, s’élança à leur poursuite, et les atteignit au moment où un des sauvages faisait violence à sa femme. L’Indien le perça de sa lance. Dans le tumulte, l’autre femme réussit à s’échapper. La petite fille toucha par sa grâce enfantine le vieux Comanche qui l’avait posée sur son cheval, et il la laissa fuir. Le jeune garçon au contraire frappa au visage celui qui le conduisait ; jamais depuis on n’a entendu parler de lui, bien que sa famille ait promis à qui le ramènerait une récompense de 4,000 dollars. Ou il a été tué, ou il est devenu lui-même un sauvage, car l’on voit souvent des enfans blancs, pris tout jeunes, se faire à cette vie guerrière et vagabonde, et surpasser les Indiens même en ruse et en cruauté.

M. Frœbel promène ainsi son lecteur d’un bout à l’autre des États-Unis.