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IV. — BASSE-GUIENNE.

Presque tout le midi étant pays d’états, l’édit sur les assemblées provinciales ne pouvait y recevoir son exécution que dans les trois généralités de Bordeaux, d’Auch et de Perpignan. Nous arrivons ici à la province où l’institution rencontra dès son début l’opposition la plus vive et la plus inattendue.

La généralité de Bordeaux comprenait les quatre départemens actuels de la Gironde, la Dordogne, Lot-et-Garonne et les Landes, avec une partie du Gers ; elle se divisait en six élections, dont les chefs-lieux étaient Bordeaux en Guienne, Périgueux et Sarlat en Périgord, Agen en Agenais, Condom en Condomois, Mont-de-Marsan dans les Landes ou Lannes. Chacune de ces élections avait une étendue extraordinaire ; elles forment aujourd’hui dix-huit arrondissemens, tandis que, dans la plupart des provinces, le nombre des arrondissemens excède très peu celui des anciennes élections. Les trois quarts de la généralité n’offraient qu’un vaste désert ; mais la ville de Bordeaux disputait à Lyon et à Marseille le second rang parmi les villes du royaume, et passait avec raison pour une des plus belles de l’Europe. Quand Arthur Young vint en France pour la première fois, il fut émerveillé de l’aspect de Bordeaux. « Malgré, dit-il, tout ce que j’avais lu ou entendu sur le commerce, les richesses et la magnificence de cette ville, elle surpassa beaucoup mon attente. Paris ne m’avait pas satisfait, car il n’est pas comparable à Londres ; mais on ne saurait mettre Liverpool en parallèle avec Bordeaux. »

M. de Tourny, intendant de cette généralité pendant quinze ans, de 1743 à 1758, avait commencé d’immenses travaux, qui n’avaient d’autre défaut que de consacrer à de stériles embellisse-mens une trop grande part des ressources locales. Les Jurats ou magistrats municipaux avaient fini par s’en inquiéter, et après une lutte assez vive l’intendant avait été rappelé et nommé conseiller d’état pour dissimuler sa disgrâce ; mais l’impulsion donnée se continuait après lui. Le maréchal de Richelieu, gouverneur de Bordeaux, y tenait une cour presque royale, dont le faste donnait le ton. Les plus beaux monumens de cette ville datent de cette époque, entre autres le palais archiépiscopal, aujourd’hui hôtel de la mairie, et le fameux théâtre, chef-d’œuvre de l’architecte Louis ; ce dernier édifice fut achevé en 1780. Louis XV avait cédé à la ville, à l’instigation du maréchal, 9,000 mètres de terrain sur l’esplanade du château Trompette, pour y construire la nouvelle salle, avec permission de vendre l’excédant du terrain pour subvenir aux frais de