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« L’ordre, dit encore la circulaire, sera maintenu par une force armée exclusivement recrutée au sein du pays. » Je reviendrai tout à l’heure sur ce point, qui touche à l’envahissement du Liban par les Turcs ; j’aime mieux arriver au dernier et au plus expressif paragraphe de la circulaire : « Dans ces conditions (celles qu’établit la convention organique du Liban), nous pouvons attendre que l’expérience prononce entre notre opinion et celle qui aurait voulu éloigner à jamais les indigènes de l’exercice de l’autorité supérieure. Il arrivera en effet de deux choses l’une : ou l’administration d’un gouverneur étranger donnera la paix et la prospérité au Liban, et dans ce cas, n’ayant nous-mêmes point d’autre but, nous ne regretterons nullement d’avoir acquiescé à cette transaction ; ou bien il sera démontré qu’aucune combinaison ne saurait être utilement substituée au principe d’une administration exclusivement indigène, et nous nous trouverons autorisés à revendiquer pour les habitans du Liban le privilège d’offrir eux-mêmes un candidat au choix de la Porte. »

Je ne saurais trop louer M. Thouvenel d’avoir si franchement réservé l’avenir. Oui, si le gouverneur chrétien et non indigène ne réussit pas, c’est-à-dire s’il ne peut pas assurer aux chrétiens les garanties que l’Europe a voulu leur assurer, celles de la vie, de la religion, de la propriété, de l’honneur (car ce ne serait pas réussir que de réussir pour les Turcs, en détruisant l’indépendance administrative), si le gouverneur chrétien et non indigène ne réussit pas selon l’esprit et la lettre du règlement organique de 1861, le cabinet français aura le droit non pas seulement de prétendre qu’il l’avait bien dit, ce qui est une pauvre consolation en ce monde, mais il aura le droit de revendiquer pour le Liban une administration indigène, c’est-à-dire l’ancienne forme de son indépendance. C’est la seule restauration que nous souhaitions ; nous ne souhaitons pas en effet celle de la famille Cheab, et nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de nous enfermer dans le cercle d’une seule dynastie.

Il n’est pas besoin de beaucoup de raisonnemens pour prouver que l’envahissement ou l’occupation presque entière du Liban est contraire aux intentions de l’Europe et au règlement organique du 9 juin 1861. Il suffit de lire l’article 15 de ce règlement. On est étonné de voir quelles précautions sont prises dans l’article 15 pour empêcher les soldats turcs de pénétrer dans le Liban, et plus étonné encore quand on apprend que ces précautions n’ont servi à rien. L’article 15 veut « qu’en temps ordinaire le maintien de l’ordre et l’exécution des lois soient exclusivement assurés par le gouverneur au moyen d’un corps de police mixte, recruté par la voie des engagemens volontaires et composé à raison de sept hommes environ