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les finances. Le système archi-réglementaire fut écarté en cette affaire, mais il prenait sa revanche ailleurs.

Encore un exemple propre à montrer dans quelles contradictions et quelles impossibilités on tombe quand on veut accumuler règlement sur règlement; c’est le mémoire de l’évêque de Michoacan qui nous le fournit. Dans l’intérêt supposé des Indiens, on les retenait dans des villages fermés aux Européens. Resserrés dans un espace étroit (environ un demi-kilomètre de rayon), les indigènes, dit ce vénérable prélat, n’ont pour ainsi dire pas de propriété individuelle; ils sont tenus de cultiver les biens de la communauté. Le produit de ces biens communaux avait été mis en ferme par les intendans, qui croyaient en cela bien faire. Le revenu ainsi obtenu était versé dans les caisses royales, au compte, disait-on, de chaque village; mais quand il fallait disposer de ces fonds, on trouvait, comme une barrière infranchissable, des règlemens, des formalités sans fin et de la mauvaise volonté. Il y avait d’abord un règlement qui interdisait aux intendans de disposer de leur propre autorité, en faveur des villages, de ces fonds une fois versés dans les caisses royales; il fallait une permission particulière du conseil supérieur des finances du Mexique. Ce conseil demandait des mémoires à divers fonctionnaires; des années se passaient à entasser des pièces et à former des dossiers, et les Indiens lassés renonçaient à suivre leur réclamation. On s’était tellement habitué à regarder cet argent des villages indiens comme une somme sans destination, qu’à l’époque du voyage de M. de Humboldt, l’intendant de Valladolid en envoya à Madrid près d’un million de francs, qu’on avait accumulés depuis deux ans. On dit au roi que c’était un don gratuit et patriotique que les Indiens du Michoacan étaient trop heureux d’offrir à sa majesté pour l’aider à continuer la guerre contre l’Angleterre.


III.

Les créoles, ou population blanche native du Mexique, avaient longtemps semblé se résigner à cette absence de toute action sur le gouvernement et l’administration de leur patrie. C’était un de ces biens qu’on ne revendique pas parce qu’on les ignore. On les tenait étrangers au reste du monde, on ne laissait paraître sous leurs yeux que des livres approuvés de l’inquisition. La vie d’ailleurs n’était pas pour eux sans mélange de quelques joies; ils s’enrichissaient par l’exploitation des mines ou par celle du sol, qui n’était pas moins profitable; ils se livraient à des plaisirs faciles. On n’avait pas négligé de satisfaire chez eux par des hochets une des passions qui occupent le plus de place dans le cœur de l’homme, la vanité. Des