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miento de Mexico ayant voulu élever des réclamations en faveur du ci-devant vice-roi, il lui fut répondu sèchement par l’audiencia que son pouvoir se bornait à tenir en respect les leperos (lazzaroni de la capitale).


IV.

De ce moment une rupture était inévitable entre les Mexicains, qui étaient manifestement opprimés, et les natifs d’Espagne, qui s’érigeaient si audacieusement en dominateurs absolus. L’indépendance du Mexique devenait nécessairement l’objet même du conflit. Les deux partis se dessinèrent d’une manière tranchée : celui des Espagnols, désignés sous le nom de Gachupines, et celui des Mexicains indépendans, appelés le plus souvent Américains et quelquefois Guadalupes. Ce nom est tiré d’un magnifique couvent des environs de Mexico qui est dédié à la Vierge. Notre-Dame de Guadalupe était réputée la protectrice spéciale du Mexique[1]. De plusieurs côtés, dans les provinces, on se prépara à la lutte à main armée contre les Espagnols, et elle éclata enfin dans l’intendance de Guanaxuato. Là se trouvait, dans la petite ville de Dolorès, à peu près uniquement peuplée d’Indiens, comme la plupart des villes subalternes, un curé d’un certain savoir et d’un tempérament énergique et actif, qui aimait son pays. Il était édifié sur les mérites du gouvernement espagnol par la lecture qu’il avait pu faire de quelques livres de l’Europe. Il avait manifesté ses sentimens, et des poursuites avaient été commencées contre lui par-devant l’inquisition. L’activité de son esprit s’était alors tournée d’un autre côté : il avait voulu améliorer par la pratique intelligente des arts utiles l’existence de ses paroissiens. Ce prêtre, destiné à acquérir dans le Nouveau-Monde une grande célébrité, sur laquelle il y a malheureusement de larges taches de sang, s’appelait don Miguel Hidalgo y Costilla. Il avait introduit dans sa paroisse l’éducation du ver à soie et la culture de la vigne; mais comme, en vertu du régime protectioniste, que l’Espagne pratiquait plus encore que les autres nations de l’Europe vis-à-vis de ses colonies, il fallait que tout le vin bu au Mexique vînt de la mère-patrie, l’ordre était arrivé de Mexico d’arracher les vignes dont le pampre ornait les coteaux des environs de la ville de Dolorès, et il avait été mis à exécution. Cet acte de tyrannie avait redoublé dans l’âme d’Hidalgo le ressentiment qu’il nourrissait déjà contre la domination de l’Espagne.

  1. Il se forma à Mexico même une société secrète sous le nom de Guadalupes.