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bayenne dont la superficie égale à peu près celle de la zone sablonneuse. On la reconnaît à l’étendue plus grande des fermes, au grand nombre de chevaux qu’on y entretient et à la fécondité naturelle du sol : c’est la terre du froment. — Au-delà de la Meuse, sur les terrains de formation secondaire, s’étend la région condrusienne avec son assolement triennal et ses jachères : l’épeautre y domine ; elle comprend environ 500,000 hectares. — La cinquième région, l’Ardenne, occupe les terrains soulevés de l’époque primaire. L’extension des bois et des pâtis, la pratique de l’essartage, la prédominance de l’avoine, la font aussitôt reconnaître ; elle est un peu moins étendue que la région précédente. — Enfin, au-delà du massif ardennais, sur le terrain jurassique, s’ouvre la sixième zone, celle du Bas-Luxembourg. La douceur du climat et la diversité des produits la caractérisent : c’est la région des fruits.

Telle est la série de tableaux que nous avons successivement présentés au lecteur. Il n’est aucun autre pays peut-être où la variété que le géologue constate dans la formation des différens terrains se traduise d’une manière aussi nette, et l’on pourrait ajouter aussi méthodique, dans les procédés et dans les productions de l’agriculture, et par suite, en certaine mesure, dans les habitudes et la condition des populations rurales. À l’inspection seule de la céréale qui domine, on peut savoir dans quelle région on se trouve. Les planteurs américains des états du sud, pour marquer la primauté de la plante qui fait leur richesse, disent que chez eux le coton est roi, the cotton is king. Dans le même sens, on peut avancer qu’en Belgique règnent tour à tour l’orge, le seigle, le froment, l’épeautre et l’avoine, car en effet on voit régulièrement l’un de ces produits remplacer l’autre, lorsqu’on s’élève, étage par étage, depuis les bords de la mer jusqu’aux sommets de l’Ardenne et qu’on remonte en même temps, couche par couche, le cours des époques géologiques, depuis la période contemporaine jusqu’à une antiquité que l’imagination même se refuse à mesurer. À chaque degré qu’on franchit dans l’échelle des hauteurs et dans celle des âges, les aspects varient, et l’harmonie qui existe entre la nature du sol et celle des fruits qu’il produit frappe l’observateur le moins attentif.

Mais pour faire connaître l’économie rurale de la Belgique, il ne suffit pas de décrire les différens districts et les procédés de culture qui y sont en usage ; il faut en outre grouper quelques faits généraux, citer certains chiffres que fournit la statistique, et qui seuls permettent de se former des idées claires et précises. Grâce aux enquêtes ouvertes par les gouvernemens eux-mêmes chez la plupart des nations européennes, on peut aujourd’hui, sans trop de peine, réunir ces données exactes, qui sont peut-être le moyen le plus sûr de comparer les forces relatives des différens pays. Quelle est la superficie