moquerais du mistral, de la pluie, du vent et de tout le reste, répondit en soupirant le vieux bohémien. C’est triste de dépendre des caprices du temps…
— Le malheur s’acharne à nous poursuivre, répliqua Fabricio ; nos affaires n’allaient pas mal, et puis voilà que le vent change, et nous restons dans le désert… Où irons-nous en sortant d’ici ? que ferons-nous demain ?
— Au fait, où irons-nous ? demanda le signer Barboso en fixant sur l’écuyer ses gros yeux gris.
Les deux interlocuteurs se regardèrent pendant quelques instans, aussi incapables l’un que l’autre de résoudre la terrible question du lendemain. Tout à coup Fabricio se leva, et, se penchant sur le devant du chariot, dit à demi-voix : — Tiens, voilà une jeune fille qui porte le costume de mon pays…
— Que dis-tu ? Tu parles de retourner dans ton pays, de me quitter, de m’abandonner ? demanda le signor Barboso.
— Non, je dis que la jeune fille qui vient par ici porte le costume de mon pays, et je me sens tout ému… Ah ! oui, c’est bien là la coiffe que portait Rosette…
— Eh bien ! le costume de ton pays manque d’élégance, dit le signor Barboso, et puis je n’aime pas ce nom vulgaire. Rosette !
À ce nom dit à haute voix, la jeune fille se retourna en rougissant. — Taisez-vous donc ! interrompit Fabricio avec impatience. Et, avançant la tête pour mieux voir le frais visage de la paysanne, il s’écria : — Est-ce toi. Rosette, Rosette de la ferme du Cormier ?
La jeune fille le regarda et demeura interdite. Fabricio, qui s’était précipité à bas du chariot, se jeta au-devant d’elle, et, saisissant ses deux mains : — Je suis Valentin, lui dit-il, me reconnais-tu ?
— Quoi ! Valentin qui dénichait pour moi des nids de ramiers, le petit Valentin qui me tressait des couronnes de bluets, répéta la jeune fille, fixant sur lui des yeux étonnés !… Valentin dans une baraque de sauteurs !…
— Lui-même, répondit Fabricio ; mais que fais-tu ici, toi, ma pauvre Rosette ?… Comme te voilà grande et belle !…
Parlant ainsi, il la serra contre son cœur, et Rosette, tout effarée, se rejeta vivement en arrière.
— Fabricio, cria le signor Barboso d’une voix solennelle, qu’est-ce à dire, mon ami ! Veux-tu nous compromettre par tes extravagances ?
— Rosette, reprit Fabricio sans répondre à l’interpellation du vieux bohémien, est-ce que tu as peur de moi ?… N’avons-nous pas été élevés ensemble, comme frère et sœur ?… Tiens, assieds-toi là,