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grande facilité des communications a le plus contribué aux progrès de l’agriculture. D’autres causes sont, il est vrai, venues agir dans le même sens, d’abord la paix et la liberté féconde dont on a joui, et qui ont favorisé l’accumulation et l’emploi fructueux de la richesse, puis des circonstances accessoires, comme l’introduction du guano, source nouvelle de fertilité, qui a été le point de départ d’importans défrichemens. De vastes étendues de landes dans les provinces d’Anvers et du Limbourg ont été rendues productives ; les dernières bruyères dans les Flandres ont à peu près complètement disparu ; dans les provinces de Luxembourg et de Namur, de grandes forêts assises sur un sol profond ont été livrées à la charme. Le drainage s’étend, et déjà cent vingt fabriques de tuyaux établies sur divers points du territoire belge ont peine à suffire aux demandes croissantes ; près de 80,000 hectares de terres arables ont été ajoutés au domaine agricole, et le produit moyen du blé s’est accru de deux hectolitres par hectare. Tous ces progrès peuvent se résumer en un mot qui dit beaucoup : quoique la population, déjà si dense, se soit élevée de 4,337,000en 1846 après de 4,700,000 en 1861, l’importation moyenne des farines et des grains étrangers a diminué de près de moitié, et l’exportation des produits agricoles a plus que doublé.

Les améliorations réalisées dans ces dernières années permettent donc de croire que dans l’avenir la Belgique conservera le rang qu’elle occupe parmi les nations agricoles les plus avancées de l’Europe ; mais ici, comme en tout pays où manque une classe de grands fermiers entreprenans et riches, c’est principalement de l’initiative des propriétaires qu’on doit attendre ce que l’avancement de la culture réclame de plus urgent. Pour amener ce résultat, on ne peut assez dire à quel point il serait désirable que dans les classes aisées se répande le goût de la vie et des entreprises rurales, même au risque de quelques mécomptes inévitables. Sans doute le nombre est grand des familles riches qui passent l’été à la campagne ; mais cela ne suffit pas. Il faut que celui qui possède la terre s’occupe lui-même de l’exploitation et du sort de ceux dont il empruntera les bras pour ses travaux. Lui seul est appelé par son intérêt même à introduire les améliorations qui réclament de fortes avances ; lui seul, dans les districts arriérés, peut donner l’exemple de certaines réformes qui doubleraient la production. La vie des champs est saine pour l’âme non moins que pour le corps, et les sentimens naturels y prennent tout l’empire que perdent les sentimens factices. En voyant de près au prix de quel labeur et de quelles privations se forme la richesse, on sera moins prompt à la prodiguer d’une main insouciante. La simplicité de la vie simplifie les besoins