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ne devait pas moins attendre de la sagesse des trois gouvernemens. On admettra cependant que les alliés, une fois à Mexico, donneront des conseils, car on ne saurait croire qu’ils puissent rester bouche close au milieu des discussions plus que vives probablement qui éclateraient alors parmi les Mexicains. Or des avis offerts par des conquérans tout chauds encore de l’ardeur de la conquête ressemblent quelque peu à des ordres, et risquent fort d’être pris pour tels. Il se passera donc à Mexico, nécessairement de par la force des circonstances, quelque chose d’analogue aux scènes de l’hôtel Talleyrand à Paris, en avril 1814, quand les alliés se furent emparés de notre capitale. L’empereur Alexandre, plein, disait-il et croyait-il, non-seulement de bienveillance, mais même de respect pour les sentimens de la France, ne voulait rien prescrire. En somme cependant ce fut lui qui fixa et la forme du gouvernement destiné à remplacer l’empire et la personne du nouveau chef de l’état.

Quoi qu’il en soit, si les rumeurs qui ont circulé et qui ont trouvé crédit sont exactes, le prince Ferdinand-Maximilien, archiduc d’Autriche et frère de l’empereur François-Joseph, serait le candidat désigné pour la lourde tâche d’inaugurer la couronne mexicaine. Le choix est-il bon? On a lieu de le penser. Le prince passe pour libéral, et tel il s’est montré quand il résidait à Milan. Le succès de la mission qu’il est, dit-on, disposé à assumer dépendra de lui-même avant tout, et les qualités distinguées dont ceux qui ont eu l’honneur de l’approcher assurent qu’il est doué sont des gages pour la réussite de la difficile entreprise de réorganiser le Mexique. Il n’y a contre ce choix qu’une objection, que nous signalerons franchement, la nationalité du prince. La maison d’Autriche, disent ses partisans, est tout naturellement indiquée aux Mexicains; elle a gouverné l’Espagne avec grandeur: elle a laissé dans la Péninsule des souvenirs de gloire qui la recommandent aujourd’hui aux peuples de la Nouvelle-Espagne. Il est vrai, la maison d’Autriche a donné aux Castillans Charles-Quint; mais aussi elle leur a fourni Philippe II, une des plus détestables figures qui se soient jamais assises sur un trône. Philippe II, c’est la tyrannie incarnée avec tous les traits qui la rendent odieuse, l’astuce et la dissimulation, la cruauté à froid, le goût du meurtre longuement prémédité et lentement accompli; c’est l’inquisition avec les auto-da-fé érigés en réjouissances publiques, car avec lui on faisait un auto-da-fé pour célébrer quel me grand événement, tout comme aujourd’hui on donne un spectacle gratis ou l’on tire un feu d’artifice. Philippe II, c’est le complice ou plutôt l’instigateur du farouche duc d’Albe dans toutes les horreurs commises envers les Pays-Bas; c’est le bourreau de ses sujets, de ses confidens et de son propre fils. Philippe Il est en Espagne la personnification de la maison d’Autriche