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ou qu’il y entre demain pour 6 francs avec la nouvelle surtaxe, la question a peu d’importance.

On dit : Ce n’est pas ainsi qu’il faut juger l’effet du dégrèvement de 1848, ce n’est pas sur l’ensemble de la consommation, mais sur la part qui en revient particulièrement aux classes pauvres. On divise alors par quinze millions d’individus[1] les 54 millions d’augmentation dans la consommation du sel depuis le dégrèvement, et on en conclut que cette augmentation a été de 4 kilogrammes par tête, et de 20 à 24 kilogrammes par famille. Nous aurions bien quelque chose à dire contre la question ainsi posée, cela nous paraît une évaluation au moins très arbitraire; mais nous voulons l’admettre, et l’objection ne nous embarrasse pas : nous répondrons que, s’il est vrai que les classes pauvres consomment plus de sel relativement que les autres, et soient par conséquent plus soumises à l’impôt qui le frappe, cette part de l’impôt entre dans le prix de leur main-d’œuvre, dans les frais de revient des choses qu’elles produisent, et qu’elles se font rembourser, comme tous les producteurs, par le consommateur de leurs produits. On a la même réponse à faire à ceux qui parlent du sel comme d’une matière première pour l’agriculture. Sans doute il vaudrait mieux pour l’agriculture qu’il n’y eût pas d’impôt sur le sel, pas plus que sur les autres choses dont elle est appelée à se servir; mais quand on voit une matière première autrement intéressante que le sel pour l’agriculture, comme le fer, soumise encore à un droit d’entrée à la frontière malgré le traité de commerce avec l’Angleterre, on se demande pourquoi on s’intéresserait particulièrement au dégrèvement du sel, qui, après tout, n’est qu’une exception dans la consommation de l’agriculture. En définitive, si l’agriculture emploie du sel, c’est pour améliorer ses produits et leur donner une plus-value; elle se fait rembourser l’impôt par celui qui achètera ses produits. L’impôt du sel en lui-même,-et abstraction faite des besoins contestables pour lesquels on voudrait l’augmenter, n’est donc pas un mauvais impôt.

Ce qui est essentiellement mauvais dans le nouveau plan de M. le ministre des finances, et ce qui n’est justifié ni en équité ni en économie politique, c’est le nouvel impôt sur les voitures et chevaux de luxe, venant suppléer à un dégrèvement de la cote personnelle et mobilière et des patentes au profit de douze ou treize cent mille contribuables. Cet impôt des voitures serait à Paris de 50 francs par voiture à quatre roues et de 25 francs par cheval, avec une échelle descendante selon l’importance des localités, il rapporte-

  1. Voyez le discours de M. Hubert-Delisle dans la discussion de l’adresse de 1862 au sénat.