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série de desseins mal digérés, de fausses mesures et de contre-temps est venue aboutir à l’insuccès de Guadalupe, à la retraite de notre armée sur Orizaba, à la levée des Mexicains, c’est-à-dire à une guerre toute différente de celle qu’on nous annonçait lorsqu’on se contentait d’envoyer au Mexique d’abord deux mille hommes, puis quatre ou cinq mille, toute différente de celle à laquelle nos ministres s’attendaient encore il y a un mois, lorsqu’ils disaient à la commission des finances qu’il n’y avait pas à en prévoir les charges sur le budget de 1863, car, selon toute apparence, elle serait terminée avant la fin de l’année !

Voilà certes des critiques qui survivent tout entières au discours de M. Billault, et si nous les répétons, ce n’est point pour nous complaire en des récriminations dénigrantes. La guerre du Mexique se présente aujourd’hui à la France sous un aspect tout nouveau. Ce n’est point la petite expédition à l’idée de laquelle l’opinion s’était d’abord accoutumée. Nous ne faisons plus cette guerre avec le concours des deux autres puissances : nous la faisons seuls. Nous n’y employons plus un petit corps de troupes, nous devrons y occuper, soit dans les opérations actives, soit dans les réserves, quinze mille hommes, peut-être vingt mille, peut-être plus encore. Ce n’est plus une entreprise qui devait à peine laisser trace dans nos budgets, c’est par millions que nous en porterons les charges. Si nous voulons empêcher que cette affaire ne s’aggrave encore, ne s’amplifie, ne dégénère comme le premier dessein dont elle est une déviation, il importe de bien voir où sont les fautes commises jusqu’à présent et de prendre la résolution de ne plus retomber dans les erremens dont l’expérience nous a montré les fâcheux résultats. Or les apologies mêmes que M. Billault a présentées des actes passés nous laissent dans l’inquiétude touchant l’avenir. Si nous voulons poser un terme précis et prochain à cette guerre, bornons et définissons notre objet : ne parlons plus que de nos réclamations, et mêlons-y le moins possible des créances Jecker ; mais alors aussi ne nous laissons pas aller, comme l’a fait M. Billault, à des invectives qui donneraient à croire que nous poursuivons la destruction du gouvernement actuel du Mexique, et n’essayons pas de justifier le projet de renverser ce gouvernement en faisant intervenir sur ses ruines, et sous la protection de nos baïonnettes, la promesse d’un suffrage universel libre, impartial et sincère ; n’essayons pas surtout d’assimiler ce suffrage universel, que nous tournerions contre un gouvernement que ses ennemis intérieurs n’ont pu abattre, aux acclamations par lesquelles l’Italie affranchie d’un joug étranger a pris possession de son indépendance et de son avenir.

Nous aimons à croire que les portions du discours de M. Billault qui donneraient à penser que la politique future de la France sera semblable à celle du passé dans les affaires mexicaines n’expriment pas avec une justesse suffisante les intentions présentes du gouvernemimt. Le ministre-orateur aura été emporté trop loin par le courant apologétique de son discours. La