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noms alléchans sur un prospectus ? Un honorable député, M. L. Javal, si nous ne nous trompons, adressait naguère avec une bonhomie narquoise cette question au gouvernement. M. Javal ne partage pas l’opinion de son président sur la fécondité laborieuse du corps législatif ; aussi, dès qu’il se lève pour parler, M. de Morny l’invite-t-il à s’asseoir, invitation à laquelle l’infortuné législateur répond par ce malicieux écho des temps anciens : Je suis satisfait. Pour le coup, le corps législatif doit être satisfait en ce moment, car les bruits qui avaient récemment couru sur une prochaine dissolution ne paraissent pas devoir se vérifier, et M. de Morny aurait pu dire à ses collègues non-seulement adieu, mais au revoir !

Quoique l’adresse des évêques au pape ne fût point publiée encore, nous en avions exactement pressenti, il y a quinze jours, l’argumentation et la portée. Les évêques de la catholicité ont en effet revendiqué, au nom du droit supérieur, du droit divin des intérêts de leur foi, la souveraineté temporelle, une souveraineté indépendante et des intérêts, et des volontés, et des droits politiques et civils de ceux sur lesquels on prétend qu’elle s’exerce. Cette grande manifestation épiscopale ne nous cause aucun trouble, si nous nous plaçons au point de vue de la société moderne, dont la cause est unie dans cette circonstance à la cause italienne ; elle nous fait éprouver de sincères regrets, quand nous nous plaçons au point de vue des vrais intérêts du catholicisme. La protestation des évêques n’entravera pas le triomphe inévitable de l’Italie sur la souveraineté pontificale, elle ne fera plutôt que l’accélérer ; elle pose en effet une contradiction absolue et radicale entre les principes de la société moderne et le principe théocratique. On voit par la propre déclaration des évêques que la question qui s’agite autour de Rome est exactement la même qui s’est posée partout à propos des privilèges politiques ou civils de l’église, et que partout jusqu’à présent la société moderne a résolue contre l’église. Une seule exception survivait à cette victoire de la société laïque sur la théocratie, c’était l’exception de Rome. Que, faisant appel à la logique, les évêques, pour défendre le privilège expirant du pontificat romain, heurtent de front les principes de la civilisation moderne, et leur lancent d’impuissantes menaces, la logique inexorable se retourne contre eux, et prescrit à Rome cette séparation du spirituel et du temporel, qui s’est partout ailleurs accomplie. Que d’autres admirent cette passivité indomptable de l’église ne se relâchant, même au terme d’une lutte désespérée, d’aucune de ses prétentions ; quant à nous, cette obstination, lorsque nous nous préoccupons de l’avenir de la religion catholique, nous inspire une affliction profonde. Le terrain sur lequel l’église catholique sera forcée de se placer le jour prochain où aura cessé le pouvoir temporel des papes est parfaitement connu : c’est le terrain où se sont placés les catholiques en Angleterre, en Irlande, en Amérique, en Hollande ; c’est le terrain de la liberté. Les catholiques vont être forcés de chercher dans l’invocation du droit commun et dans les garanties de la liberté poli-