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satyrique ou Romant des Indes, du médecin Lannel, paraître toute la cour de Louis XIII. Les allusions y sont aussi peu voilées que dans les Adventures de la Cour de Perse et les Amours du Grand Alcandre, c’est-à-dire de Henri IV, forme choisie par la spirituelle princesse de Conti pour raconter agréablement la chronique scandaleuse de son temps. La Chrysolite, d’André Mareschal, ne prend pas ses héros dans des rangs aussi élevés; mais l’auteur nous apprend que son ouvrage est à la fois une histoire et un roman, et qu’il n’a pas le faste menteur des romanciers de son temps. Il en a du moins l’inexpérience, il en a la pauvreté du style et de l’invention, car cette première période du XVIIe siècle, enfance de la littérature romanesque qui dure environ trente années, n’a produit aucun roman remarquable, depuis l’Astrée jusqu’aux ouvrages de Mlle de Scudéry. Cependant, parmi toutes ces productions justement oubliées, il en est quelques-unes, très aimées du public, où ne se trouvent précisément ni goût ni véritable talent, mais dans lesquelles on entrevoit quelques idées qui plus tard seront exploitées par des romanciers plus habiles. Ainsi Gomberville, dans ses fastidieuses compositions, entre autres Polexandre, si remplies d’aventures qu’il appelle « rares et surprenantes, » ouvre la voie au roman qui ira chercher des effets pittoresques dans des régions encore inconnues et depuis lors tant explorées. Ses aventures maritimes, ses combats contre des corsaires, ses narrations de voyage, ont un mérite supérieur à l’invention romanesque, qui passait pour si ingénieuse, et l’on est surpris de trouver une certaine connaissance des mœurs et des lieux qu’il décrit, quand on se reporte à son temps, et qu’on le voit promener hardiment ses héros du Pérou au Danemark, du Mexique à la Grande-Bretagne, des îles Fortunées jusqu’à Tombouctou.

Un autre romancier. Camus, évêque de Belley, cherche à faire servir le roman à l’édification des âmes. Prenant conseil de d’Urfé et même de saint François de Sales, ses amis particuliers, il écrit avec une facilité merveilleuse cinquante romans, terminés, dit Perrault, par des catastrophes chrétiennes, et dont Palombe, agréable réduction faite de nos jours, peut nous donner une suffisante idée.

Toute cette littérature romanesque, assez métaphysique, pare la société d’ornemens si factices, que nous la connaîtrions mal, si nous n’allions chercher le roman réel, mais en nous défiant également de son exagération brutale. Il y a toujours un certain antagonisme entre les natures délicates et les natures essentiellement positives, qui fait que, d’un côté, on s’élève à des hauteurs où l’air devient trop subtil, et que, de l’autre, on descend dans des bas-fonds où il est corrompu, et souvent dans le seul dessein d’indiquer plus fortement