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de Kunstatt, un des principaux chefs de leur parti, le mandèrent à leur hôtel de ville ; il vint accompagné d’une escorte, et, se croyant tout permis, il manqua, — en quoi ? comment ? on ne sait, mais il manqua, disent les chroniques, et de la façon la plus grave, aux représentans de la cité. Les bourgeois, malgré toute résistance, mirent la main sur lui et le jugèrent : il fut décapité le soir même à la lueur des flambeaux.

C’est au milieu de ce chaos que le sire Ptacek de Pirkstein, à force d’activité, d’intelligence, de patriotisme, avait fait luire quelques rayons de lumière. On commençait à espérer de meilleurs jours. Tout n’était pas perdu : le sentiment des intérêts communs écartait peu à peu les élémens de dissolution et de ruine. L’image de la patrie se dégageait des ténèbres. C’était principalement sur la vaillante figure du sire Ptacek que brillait ce reflet divin, et quand ii déployait la bannière nationale, quand il allait de ville en ville, d’assemblée en assemblée, parlant, agissant, entretenant la vie publique, combattant sous toutes ses formes la réaction allemande et romaine, c’est-à-dire la destruction de la Bohême, que d’intérêts sacrés reposaient sur un seul homme ! Un jour que le sire Ptacek, après bien des difficultés, avait obtenu un parlement des hauts barons dans la petite ville de Dobrisch, il s’y rendait à cheval avec son escorte quand un mal subit et violent le força d’interrompre son voyage ; on le ramena dans son château de Rataj, où il expira quelques heures après, le 27 août 1444.


III

Ce fut un coup de foudre pour le parti national : la mort d’un seul remettait en question les intérêts de tous. Où trouver le successeur d’un pareil chef ? Quelle était la main assez forte pour soutenir son œuvre ébranlée ? Il y avait alors, parmi les plus dévoués compagnons du sire Ptacek, un jeune homme que ses souvenirs de famille non moins que sa valeur personnelle semblaient destiner à un grand rôle. Il était né au château de Podiebrad le 23 avril 1420, jour consacré à saint George ; de là les deux noms qu’il reçut. Son père était le sire Vocek de Kunstatt ; sa mère s’appelait Anna de Wartemberg. Ziska lui-même, le grand Ziska l’avait tenu sur les fonts baptismaux. Tout jeune encore, le filleul du terrible chef avait fait honneur à ce patronage. Dans la sanglante mêlée de Lipan, en 1434, à la bataille de Tabor en 1438, George de Podiebrad s’était déjà signalé par son courage, et il avait vingt ans à peine quand il fut nommé capitaine du cercle de Buhzlau. L’année suivante, il avait épousé une jeune fille de race noble, Kunhuta, fille du sire Smil Bolicky de Sternberg. Par sa famille comme par celle de sa femme,