Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/773

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les projets de M. Pepoli annoncent de sérieuses études et sont inspirés par un esprit libéral. Le ministre des finances, M. Sella, dans un département où ne semblaient pas l’appeler ses occupations antérieures, a fait preuve de netteté d’esprit et d’intelligence. Quant à M. Matteucci, il a obtenu un succès qui passe pour rare dans le parlement italien : il est parvenu, après cinq jours de discussion, à faire voter une loi relative à l’instruction supérieure qui, bien qu’elle ne touche qu’aux émolumens des professeurs et aux inscriptions payées par les étudians, ouvre la voie à une organisation plus systématique des universités italiennes. Tout en rendant justice aux efforts des collaborateurs de M. Rattazzi, nous sommes forcés de reconnaître qu’ils ne suffisent point à donner au ministère l’ascendant parlementaire d’une administration vigoureuse.

Bloqué du côté de la question romaine, c’est-à-dire du côté de la politique générale italienne, il semble que le cabinet Rattazzi ait cherché une diversion dans ce que nous appelons en France les lois d’affaires. La pensée était louable. Il y a en matière de finances et d’intérêts matériels beaucoup à faire en Italie. C’est dans les finances que l’œuvre de l’unification laisse le plus à désirer, et c’est par les finances qu’il faut surtout chercher à consolider l’unité politique de l’Italie. Les finances italiennes vivent de ressources qu’on peut dire précaires, qui sont loin d’être en rapport avec la véritable richesse de la péninsule. L’on ne s’est pas occupé encore d’appliquer à tout le royaume un système uniforme d’impôts. Les contributions varient suivant les provinces ; le régime de l’égalité des taxes n’existe donc pas encore. En un mot, l’Italie n’a point jusqu’ici organisé son revenu public. On n’a pas pris cette année la question de si haut ; on n’a présenté que des lois partielles au lieu d’une conception systématique. Ce retard nous paraît regrettable. Les lois d’affaires paraissent arides, elles semblent ne toucher qu’à des intérêts subalternes ; elles n’occupent pas l’opinion publique lorsqu’elles sont présentées fragmentairement et sans lien, lorsqu’elles n’ont pas l’air d’appartenir à une conception d’ensemble. Elles deviennent séduisantes au contraire dans les pays libres, elles y attirent et exercent les intelligences les plus distinguées, elles éclairent et intéressent utilement l’opinion, lorsqu’elles se classent dans un système général. Il y a un art de faire valoir et de mettre pour ainsi dire en scène les lois d’affaires. Cet art est possédé surtout par les ministres des finances d’Angleterre, et la façon dont il a été appliqué depuis Pitt jusqu’à M. Gladstone a beaucoup contribué aux progrès économiques de l’Angleterre, et a en quelque sorte appris l’économie politique au peuple anglais. S’il eût été déjà possible en Italie de trouver dans les affaires une diversion à la politique, c’est à la manière anglaise que l’on eût dû procéder. On ne l’a pas fait, et ici ce n’est pas un blâme, mais un regret que nous exprimons. Une conséquence de cet état de choses, c’est que les affaires n’ont pas donné à la session du parlement italien le brillant que la politique lui refusait, et que les débats sont demeurés ternes. Une autre conséquence, c’est que les projets ministériels,