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n’émanant pas d’une pensée fermement arrêtée et mûrie, ont quelquefois porté les traces de la précipitation, et sont restés incomplets : ils ont dû être remaniés par les commissions. Comme les bureaux nomment ordinairement pour commissaires les députés les plus capables, et que les députés les plus capables à Turin ne sont pas généralement ministériels, le cabinet a perdu quelque chose de son autorité dans ses conflits avec les commissions. Nous ne citerons qu’un exemple de l’imperfection de l’élaboration ministérielle, et nous le prendrons dans les finances. Le gouvernement a pris une résolution heureuse, croyons-nous, en décidant l’aliénation des biens domaniaux et de ceux de la caisse ecclésiastique. La vente de ces propriétés associera par les intérêts une classe nombreuse de propriétaires au nouvel ordre de choses, et en même temps doit fournir au trésor une ressource considérable. Ces biens, d’après le ministre des finances, produisent un revenu net de 26 millions. D’après un tel revenu, en tenant compte de l’administration imparfaite par laquelle ils sont régis, il n’y a pas d’exagération à attribuer à ces biens une valeur d’au moins un milliard en capital. Il y a là pour le crédit italien une réserve puissante, qu’il faut se garder d’avilir et de compromettre par des ventes précipitées. Que le gouvernement italien ait laissé voir cette réserve dans son budget comme une ressource pour l’avenir, rien de mieux ; mais il paraît étrange que l’on ait fait figurer une partie notable de cette ressource comme un moyen de trésorerie dans l’exercice courant, celui même de 1862, qui est déjà si avancé, et que l’on ait eu la pensée de lier à une opération qui doit être conduite avec une prudente lenteur la création immédiate d’une institution de crédit foncier, laquelle serait ainsi devenue, elle aussi, des cette année, un autre moyen de trésorerie. On comprend encore plus difficilement cette hâte inconsidérée lorsqu’on étudie de près la situation du trésor. Le déficit annoncé par le ministre est en grande partie apparent. Le royaume d’Italie a un système de comptabilité imparfait, et qui a l’inconvénient de manquer de clarté. Toutes les dépenses votées sont loin d’être faites dans le courant de l’exercice ; celles qui n’ont point été effectuées figurent sous le titre de residui passivi, reliquats passifs. De même les ressources prévues ne sont pas toutes réalisées, et ce qu’il reste à recouvrer s’appelle residui attivi, reliquats actifs. Il va sans dire que les reliquats passifs s’élèvent toujours, depuis quelques années, à des sommes bien plus considérables que les reliquats actifs ; mais il ressort de cet usage des reliquats passifs et actifs que les déficit pour le trésor sont plus apparens que réels en fin d’exercice. En 1861 par exemple, les reliquats passifs ont dépassé les reliquats actifs de plus de 280 millions. Cependant les rentrées effectives du trésor avaient dépassé de 143 millions les sommes payées par lui ; le trésor, en fin d’exercice, avait un encaisse de 143 millions contre une circulation de bons qui ne dépassait pas 37 millions. On doit s’attendre pour l’année courante à un résultat analogue ; une partie considérable du déficit prévu par M. Sella entrera dans la catégorie des reliquats passifs ; le ministre n’aura probablement pas à faire usage de