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més est M. Hook ; après avoir changé plusieurs fois de sujets et de manière, il me semble être arrivé à suivre sa vocation en peignant aujourd’hui la vie de ceux qui vont chercher leur pain sur la mer et en illustrant les récifs et les vertes plaines du sud-ouest de l’Angleterre. Non content de reproduire avec charme et avec délicatesse les beautés de la nature, il y mêle, non sans une grâce touchante, les idylles et les épisodes du travail rustique. Le Ruisseau traversé par deux hommes dans une charrette, tandis qu’une femme avec ses deux enfans regarde du haut d’un vieux pont, possède je ne sais quel calme et quelle fraîcheur de terroir faciles à reconnaître pour tous ceux qui ont vu certaines campagnes de l’île de beauté, isle of beauty, ainsi que les Anglais appellent leur pays.

Un trait distinctif du caractère britannique est l’amour des animaux. Les mères appellent volontiers leur enfant bien-aimé mon canard (my duck), ma colombe (my dove), quelquefois même mon petit cochon (my little pig). Ne doit-on pas s’attendre à trouver en peinture le reflet de cette sympathie pour les acteurs muets que la nature associe tous les jours au paysage et à la vie domestique ? L’Angleterre compte en effet depuis l’origine de l’art un assez grand nombre de peintres d’animaux, Wootton, Stubbs, Elmer et Gilpin. Plus récemment, Ward peignit avec talent le bétail dans les plaines, Les jumens dans les haras, les ânes et les cochons autour des chaumières. Presque en même temps que Ward, un homme vint qui sut donner de l’esprit et de l’expression aux bêtes : n’ai-je point nommé Edwin Landseer[1] ? Qui ne connaît son admirable roman de la vie du chien ? Je regrette de ne point en voir figurer quelques pages à l’exposition de 1862 ; je me console pourtant de cette lacune en ayant devant les yeux les tableaux où il nous introduit dans le gîte des bêtes fauves, nous initie à leurs mœurs, et répand sur leur vie sauvage la farouche majesté des pays de montagnes. Il existe en Écosse un mode de chasse qui consiste à gravir de rocher en rocher les hauteurs les plus abruptes pour découvrir un plateau sur lequel les daims vivent en famille, protégés qu’ils sont par ces remparts naturels. Deux chasseurs sont arrivés au terme de leur pénible escalade ; les deux chiens qui les accompagnent, et qui ont servi à les mettre sur la piste, sont désormais inutiles : aussi l’un des hommes appuie-t-il sa main sur la gueule d’un des animaux pour l’empêcher d’aboyer et de donner l’alarme, tandis que l’autre chasseur, armé d’un fusil, s’apprête à tirer de derrière les rochers sur les daims qui s’enfuient par troupeaux le long d’une plate-forme

  1. Je devrais dire sir Edwin Landseer, car la reine, enchantée de la manière dont il avait fait vivre sur la toile les poneys des highlands montés par ses enfans, lui conféra en 1850 le titre de chevalier.