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annales plus longues, par conséquent une population plus dense, varient presque à l’infini leurs cultures et leurs fabrications, et se livrent avec un succès toujours croissant aux articles qui réclament le travail le plus fini et le plus minutieux.

Une exposition de l’industrie exécutée dans ces conditions se recommande certainement par le pittoresque. Ce qui a plus de prix, elle est du plus haut intérêt pour le savant ou le technologiste avide d’observer le mouvement des arts, ou pour le manufacturier désireux de comparer afin de s’instruire et de se perfectionner. Elle permet de parcourir presque en un clin d’œil l’histoire des efforts de l’espèce humaine pour faire servir à la satisfaction de ses besoins les matériaux du globe et toutes les ressources qu’il fournit. Elle donne la mesure de l’espace parcouru dans cette vaste carrière depuis l’origine jusqu’à nos jours.

Parmi les comparaisons qu’un spectateur même peu érudit peut faire avec profit entre les différens états de société, il en est de saisissantes. Je citerai entre autres celles qui auraient pour sujet les navires auxquels l’homme confie les intérêts de son commerce et quelquefois la défense de l’indépendance nationale. On trouve à l’exposition les extrêmes en ce genre. On y voit figurer le canot d’écorce dans lequel l’Indien de l’Amérique du Nord se lance sur les fleuves et même sur les lacs, canot si léger que le navigateur peut, sans trop de fatigue, en charger ses épaules afin de traverser ce que les colons français du Canada appelaient pour ce motif un portage, c’est-à-dire l’espace sur lequel la navigation est interrompue. C’est le Nouveau-Brunswick qui l’a exposé. Dans une autre salle, se présentent les paquebots à vapeur munis de fortes machines qui traversent l’Atlantique avec une rapidité inouïe et une régularité parfaite ; mais on admire surtout les grands bâtimens de guerre, notamment ces navires cuirassés, les plus terribles machines que l’homme ait jamais imaginées pour la destruction, mais dont la dépense est tellement grande que, seuls, les états du premier ordre peuvent se la permettre. C’est ainsi que le beau paquebot transatlantique le Persia et les navires de guerre l’Achilles, le Warrior et l’Agincourt sont présens à l’exposition par leurs modèles ou par les pièces principales des machines à vapeur destinées à les mouvoir.

C’est une grande satisfaction assurément que de pouvoir faire le tour du monde entier sans sortir d’une suite de salles élégamment disposées, décorées d’objets d’art ou de chefs-d’œuvre industriels, bordées de ce qu’il y a de plus beau parmi les plantes exotiques, et rafraîchies par des fontaines d’ornement d’où l’eau s’épanche en abondance. Un des plus vifs plaisirs qu’un esprit sérieux puisse se procurer, c’est assurément cette revue du monde. L’exploration de notre planète peut encore se faire par d’autres moyens sous les voûtes