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compte en moyenne de 260 à 280 sinistres de ce genre par an, et s’ils ne frappent souvent qu’un lot restreint, parfois aussi ils engloutiront pour près de 100 millions de marchandises, comme en décembre 1835, ou anéantiront 345 maisons évaluées à 25 millions de francs, comme en juillet 1845. En même temps que disparaissait la malheureuse ville de Troie, un autre feu, dont on voyait de New-York la fumée amoncelée à l’horizon comme une épaisse nuée d’orage, dévorait en quatre jours 30,000 hectares de bois sur l’île de Long-Island. « L’incendie est une de nos institutions, » disent en plaisantant les Américains, et il est certain que, si leurs mesures sont admirablement prises pour éteindre le feu, elles n’ont en rien pour but de l’empêcher de naître. L’assurance est d’un usage si universel que soixante-dix-neuf compagnies se sont formées à New-York pour répondre à ce besoin. On assure sa vie, sa demeure, son mobilier, ses chevaux ; on assure même sa maison contre les voleurs en cas de voyage et d’absence, et, sauf pour les désastres extraordinaires, il est rare que l’on ne soit pas indemnisé, de la manière la plus satisfaisante en cas d’accident. À Troie par exemple, où les pertes étaient évaluées à 15 millions, 7 millions étaient assurés et furent payés.

Les pompiers jouent un grand rôle dans des villes exposées à d’aussi terribles chances. Aussi ceux de New-York constituent-ils une corporation dont l’influence politique est d’autant plus considérable que nulle autorité, municipale ou autre, n’a quoi que ce soit à démêler avec elle. Composées de jeunes, gens admis à l’élection, les compagnies de pompiers nomment elles-mêmes leurs officiers, règlent leur service et supportent seules les frais d’une organisation des plus coûteuses. Leurs pompes sont presque des objets d’art par la richesse et le travail des ornemens ; les chambres où ils se réunissent et passent volontairement bon nombre de leurs nuits sont des salons luxueux, où brillent de massives pièces d’argenterie offertes en témoignage des services qu’ils ont rendus. Ces compagnies sont de trois espèces ; 47 ont charge des machines, 57 des tuyaux, et 15 des échelles et des crochets. Un réseau télégraphique embrassant la ville entière a pour but spécial, de faire connaître les incendies, de diriger les secours le plus à portée, et dès le premier signal on est émerveillé de l’ardeur avec laquelle les diverses compagnies rivalisent à qui devancera les autres sur le théâtre du feu. Le pompier est élu pour cinq années ; pendant ce temps, où sa vie est sans cesse mise en jeu sans que son dévouement faiblisse un instant, il n’a d’autre compensation que d’être exempt du jury et de la milice. Lui offrir une solde serait lui faire injure, et dans tous les États-Unis la ville de Boston offre, je crois, le seul exemple