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dont le règne de Frédéric-Guillaume IV n’avait cessé de toujours dénoncer les graves inconvéniens : on demanda le retour immédiat au passé tant maudit pour rester à l’abri des innovations que méditait Vienne. Par un de ces démentis qu’elle était forcée de se donner maintenant si souvent à elle-même, et qui cette fois était du moins d’accord avec les principes de justice et de droit international, la Prusse déclara retirer de nouveau le grand-duché de Posen de la confédération germanique pour ne pas laisser le prince Schwarzenberg se prévaloir d’un pareil « précédent » en faveur de son plan. Le combat fut rude, et il vint même un moment où la Prusse ne demandait plus que quinze jours de répit pour fixer ses vues; elle finit cependant par l’emporter, mais à quel prix! Au prix de l’intervention de l’étranger!

Il était temps en effet que l’étranger fît entendre son mot, que l’Europe parlât enfin raison à ces Allemands, qui tous, peuples aussi bien que souverains, M. de Gagern aussi bien que M. de Schwarzenberg, prétendaient, depuis trois ans, arranger non-seulement leurs affaires intérieures, mais conquérir même des provinces hollandaises, danoises et polonaises, s’incorporer la Hongrie, la Galicie, la Lombardie, la Vénétie, changer, pour tout dire, l’équilibre du monde, sans que les grandes puissances eussent rien à y voir. Ce fut la France qui entra la première en lice; elle fut bientôt suivie par l’Angleterre et même par la Russie. Dans un mémorandum du 5 mars 1851, remarquablement rédigé par M. Brenier, ministre intérimaire, le gouvernement français examinait le projet autrichien de point en point sous le rapport du droit international, des intérêts conservateurs et de l’équilibre européen. Il démontrait avec autorité que le pacte constitutif de la fédération, y compris ses clauses les moins essentielles, faisait partie intégrante de l’acte général du congrès de Vienne, et que, dans la rigueur du principe, il ne pourrait être apporté légalement la moindre altération à la moindre des clauses, sans le concours de tous les gouvernemens qui avaient signé cet acte. — A fortiori, concluait M. Brenier, ce principe s’applique à l’article 1er du pacte qui crée la confédération, lui donne place dans l’ordre européen et en détermine les limites. L’incorporation du grand-duché de Posen en 1848 ne constituait aucun précédent, l’Europe n’ayant pas sanctionné la décision du parlement de Francfort et de la Prusse, et cette décision étant en droit non avenue. « Personne n’a intérêt à soutenir que tout ce qui s’est passé alors en Europe sans devenir l’objet d’une protestation a été légitimé par ce seul fait. La France a d’ailleurs fait connaître son opinion. » Enfin le cabinet français se permettait même une fine critique de ce système de centralisation à outrance