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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/566

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qu’on commençait alors à inaugurer dans les états des Habsbourg, en déclarant « que l’existence unitaire de l’empire autrichien n’avait pas encore un caractère tellement absolu et n’était pas un fait tellement accompli qu’on ne pût trouver le moyen de la concilier avec le maintien d’une portion de cet empire en dehors de la confédération. » La leçon fut dure pour le prince Schwarzenberg, dure aussi pour le patriotisme germanique, qui ne pouvait que faiblement se féliciter du triomphe remporté à cette occasion sur Vienne. Si en effet la Prusse et l’Allemagne libérale finirent par prévaloir, ce fut en grande partie grâce à l’appui de a l’ennemi héréditaire, » et si elles se virent délivrées du « cauchemar, » ce ne fut que pour se retrouver en face de l’ancien spectre du Bundestag. Le 30 mars 1851, la vieille diète de Francfort était solennellement rouverte avec l’assentiment de tous les états, y compris la Prusse, par le plénipotentiaire de l’Autriche; la constitution de 1815 reprenait force de loi en Germanie.

Certes, l’issue déplorable de l’agitation allemande de 1848 porte en elle-même un enseignement qui peut se passer de commentaires. Nous n’y insisterons donc pas, nous ne forons qu’une très courte remarque. C’est surtout contre les Slaves que s’était déchaînée l’ambition orgueilleuse de la Germanie renaissante, c’est surtout leur anéantissement et leur incorporation qu’avaient demandés les législateurs de Saint-Paul. Or n’est-il point curieux, et peut-être même symbolique, de voir vers la fin de cette agitation se dresser partout en Allemagne des noms, des figures et des influences slaves? Sans doute, si M. de Radowitz et M. de Schwarzenberg, qui représentaient en dernier lieu le grand dualisme allemand, étaient tous les deux d’origine slave, ce n’était là que l’effet d’un pur hasard[1]; mais n’y a-t-il rien de remarquable dans une autre circonstance? N’est-il pas singulier que la réaction aussi bien que la révolution germanique d’alors ait trouvé la plus expressive de ses incarnations dans un Croate et dans un Russe, que Jellachich ait pris d’assaut Vienne, et que Bakounine ait commandé les barricades de Dresde? Ce qui est incontestable dans tous les cas et ce qui s’imposa dès l’abord à tous les yeux, ce fut la situation extraordinaire que les événemens de l’Allemagne avaient créée au tsar Nicolas, ce fut l’influence prédominante et encore agrandie que la Russie commençait de nouveau à exercer dans les affaires de la confédération germanique. En effet, c’était devant le tsar que se portaient dès 1849 toutes les contestations et réclamations des souverains allemands. Empereur,

  1. M. de Radowitz descendait d’une famille slovaque de Hongrie. Quant au mot Schwarzenberg (Montagne-Noire), il n’est que la traduction allemande du mot tchèque Csernogora, nom véritable de la maison-à laquelle appartenait le superbe et ambitieux ministre autrichien.