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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/68

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dans les îles, des productions très étendues. L’intelligente énergie des Américains du Nord a suscité dans les vallées du Mississipi, de l’Alabama et de la Savanah une production de coton qui, pour la quantité comme pour la qualité, mérite d’être citée avec admiration, car cela tient du prodige[1]. Le coton américain a fourni à l’activité des manufactures de l’Europe un aliment indéfini et à bon marché. Elle a ainsi puissamment contribué à enrichir les peuples des deux côtés de l’Atlantique[2]. La race anglo-saxonne a donné en Australie un autre exemple de ces merveilleuses créations par la masse de laine fine qu’elle est parvenue à y produire. Dans le même genre, on pourrait citer les tentatives, à la fin couronnées de succès, que le gouvernement néerlandais a poursuivies à Java avec la persévérance propre à la nation hollandaise pour la culture du thé ; mais ce n’est plus là un commerce comparable à celui du coton des États-Unis ou des laines de l’Australie.

Malheureusement, dans d’autres parties du monde, l’observateur impartial est contraint de reconnaître qu’on a reculé plus qu’on n’a avancé. La ruine des grands canaux d’irrigation qui existèrent autrefois dans l’Inde est un fait constant. Une des accusations que l’histoire formulera contre le gouvernement, aujourd’hui aboli, de la compagnie anglaise des Indes, c’est qu’elle n’eût rien fait pour les rétablir. Le beau livre de sir Emerson Tennent sur Ceylan a fait connaître au public européen les innombrables, et gigantesques ouvrages qui, il y a quelques siècles, étaient encore en activité dans cette île ravissante, et la faisaient jouir du bienfait de l’arrosage. C’étaient surtout des réservoirs établis par le moyen de barrages au travers des vallées. Ces étonnantes constructions sont aujourd’hui dans une dégradation complète, sir Emerson Tennent l’expose avec douleur. Sans aller à de si grandes distances, sans sortir de l’Europe et du bassin de la Méditerranée, que reste-t-il de la culture autrefois belle et riche des vastes pays qui, après Constantin, formèrent l’empire d’Orient, et sur lesquels depuis s’est établie la domination du croissant ? Les ronces, le désert, tous les aspects de la désolation y ont remplacé une agriculture florissante, et de là est ne ce proverbe trop vrai, que quelques-uns des hommes d’état de l’Europe font semblant d’ignorer, que là où le Turc met le pied, l’herbe cesse de croître.

  1. La production du coton des États-Unis s’est élevée successivement, de moins d’un million de kilogrammes en 1790, à l’immense quantité de plus de 800 millions en 1860. Toutes les autres provenances ne fournissaient à l’Europe, avant la crise actuelle des États-Unis, qu’environ 140 millions de kilogrammes, et c’étaient en général dès qualités inférieures.
  2. L’exportation annuelle de l’Angleterre en articles de coton était montée à près d’un milliard de francs quand a éclaté en Amérique la guerre civile, dont l’effet Il été de suspendre les envois de coton brut en Angleterre.