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Ces derniers furent découverts par un jeune homme appelé Mac-Donnell, qui était de race mêlée, moitié Français et moitié Écossais, combinant dans sa personne et dans son caractère les qualités des deux peuples. Ainsi que beaucoup d’enfans des highlands, il était de forme athlétique et avait ce mépris des obstacles qui tient peut-être chez eux à l’habitude de lutter contre la rude nature des montagnes ; mais à cette force de résistance il joignait une activité d’esprit toute gauloise. Sa robuste santé avait toutefois été ébranlée par un séjour de trois ans dans les mines de la Californie, où il avait été constamment exposé à l’intempérie de l’atmosphère et à mille privations ; il s’était donc rendu pour se rétablir dans la colonie anglaise, où, soit par hasard, soit par des calculs d’analogie avec les gîtes aurifères qu’il avait vus auparavant, il désigna Cariboo comme la terre promise de l’or. À partir de ce moment, les nouvelles venues en Angleterre du théâtre des mines furent de nature à séduire les imaginations les plus froides. Selon toute vraisemblance, les beaux jours de la Californie allaient renaître sur le sol de British-Columbia : l’or, dans quelques endroits, se ramassait par pelletées ; au mois de mai 1860, un M. Smith avait gagné 185 livres sterling 6 shillings en un jour de travail ; beaucoup d’autres, dont on citait les noms, avaient réalisé en peu de temps des sommes fabuleuses. Un Anglais, Richard Willougby, avait trouvé sur le terrain de ses fouilles plusieurs veines très riches de minerai d’argent, mais il les avait dédaignées ; à Cariboo, on ne se baissait que pour ramasser de l’or. Un ancien casseur de pierres était revenu à Victoria avec des sacs pleins de poudre jaune qui lui permettraient de vivre désormais en rentier. On se figure aisément l’effet produit par de tels récits sur l’esprit d’un peuple toujours prêt à tenter la fortune et la mer. Ces richesses sorties de terre en quelques mois, en quelques semaines, souvent même en une nuit, miroitaient au-delà de l’Océan comme ces morceaux de verre qui attirent l’alouette. La fièvre de l’émigration, qui était un peu calmée depuis 1857, époque où plus de deux cent mille individus quittèrent le royaume-uni, parut à la veille de se ranimer chez nos voisins. L’abondance de cette moisson d’or contrastait d’ailleurs péniblement avec la disette du coton en Angleterre et avec la détresse des ouvriers du Lancashire. Peut-être dans la nouvelle colonie était le remède aux maux dont souffre aujourd’hui la classe si nombreuse des fileurs. À cela il y avait pourtant un obstacle : diverses voies de mer et de terre conduisent à la Colombie anglaise, mais elles sont toutes longues et dispendieuses. Nul ne doit songer à ce voyage, s’il n’a au moins dans sa poche 50 guinées. Cet Eldorado ne se trouve protégé, comme on voit, contre l’affluence des aventuriers, que par l’éloignement et les difficultés du passage. Au point de vue des mines, cette limite des distances est peut-être utile ; comme tous