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écueils de Cordouan. Le golfe se rétrécit peu à peu ; au sud, la rive des landes de Gascogne se dessine au-dessus des flots ; on approche de l’embouchure du fleuve, et bientôt on va quitter la falaise marine, qu’interrompent çà et là des baies arrondies et sablonneuses. Enfin on dépasse Pontaillac, la conche[1] aimée des baigneurs, et l’on atteint la Pointe-de-Chay, qui forme, avec la Pointe-de-Grave, la magnifique porte de la Gironde.


III. — ROYAN. — ESTUAIRE DE LA GIRONDE.

La ville de Royan, placée à l’entrée de la Gironde, ne répond pas complètement à l’idée qu’on pourrait se faire de la gardienne d’un si noble fleuve. Plus heureuse que bien des grandes cités, elle a eu l’insigne fortune de trouver à la fois un poète et un historien dans l’un de ses enfans; mais elle ne doit qu’une bien faible partie de sa gloire à sa propre initiative, et, sans les étrangers qui viennent visiter ses plages pendant la belle saison, il serait à craindre qu’elle ne tombât bientôt dans un profond oubli. Comme les animaux hibernans, elle a son sommeil périodique, et chaque année, lorsque la vie factice communiquée par l’affluence des baigneurs s’est graduellement évanouie, elle abandonne son apparence passagère de ville pour devenir tout simplement un modeste bourg de province. Elle fait, il est vrai, de nobles efforts pour se donner les dehors d’une véritable cité : elle abat ses baraques et décore ses hôtels, elle plante des arbres sur ses boulevards, elle aligne ses quais, blanchit ses façades ; mais elle n’a d’autre industrie permanente que celle de la construction des chaloupes, et son commerce est presque insignifiant. Tout son effectif maritime se compose de quelques barques de pilote qui se balancent sur le flot de marée ou bien se couchent honteusement dans une vase fétide.

Bien que Royan n’ait jamais été une ville considérable, cependant sa remarquable position stratégique lui a toujours donné en temps de guerre une véritable importance. Les divers conquérans qui se sont succédé dans les contrées du sud-ouest de la France devaient nécessairement avoir à cœur de posséder le promontoire qui sépare la Gironde de la mer, et le premier havre qui s’ouvre dans la chaîne des falaises, à l’entrée du fleuve. Aussi Royan compte-t-elle de longs siècles d’existence, et, selon toute probabilité, c’est bien sur l’emplacement qu’elle occupe aujourd’hui que s’est élevée l’ancienne Novioregum de l’itinéraire d’Antonin. Longtemps ignorée

  1. Plage de sable développée en forme de conque marine. Les Italiens donnent le nom de conca aux plaines qui s’inclinent vers la mer entre deux promontoires rocheux. Les cuencas de l’Espagne sont des vallées circulaires environnées de montagnes.