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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/922

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malgré ses vicissitudes et ses changemens de maîtres, Royan fit parler d’elle pour la première fois pendant les guerres de religion, alors que La Rochelle, sa puissante voisine, osait à elle seule tenir tête à la France. Une garnison de huguenots, retranchée dans le château de Royan, attendit de pied ferme l’arrivée de Louis XIII et de son armée. Le roi fut bon prince. Lorsque la ville fut obligée de se rendre après huit jours de tranchée ouverte, il aurait pu faire passer la garnison au fil de l’épée ; il se contenta d’appauvrir les habitans en détruisant la jetée de manière à mettre le port hors de service. Aussi Royan devint-elle peu à peu presque complètement déserte, et bientôt il n’y resta plus qu’un groupe de cabanes. Vers le milieu du siècle dernier, si du moins nous en croyons une estampe gravée à cette époque, Royan avait encore l’apparence d’une grande ruine. L’énorme masse quadrangulaire de l’ancien château dressait ses murailles lézardées à l’extrémité de la pointe ; des pans de murs noircis encombraient le sol ; les remparts, semblables à des falaises rongées par les vagues, se distinguaient à peine des rochers qui leur servaient de base ; par-dessus le parapet ébréché, on apercevait de rares maisonnettes peureusement blotties au pied du vieux donjon, et n’osant pas même tourner leurs lucarnes du côté de la mer. Le port, encore plus étroit qu’il ne l’est aujourd’hui, était défendu contre la force des eaux par une rangée de piquets. et donnait asile à quelques gabares d’un aspect misérable.

À la fin du siècle dernier et au commencement du nôtre, alors que les croisières anglaises bloquaient les côtes de France, la guerre, qui ruine tant de villes, devint pour Royan une cause indirecte de prospérité. Les navires de cabotage, qui prenaient dans les ports de la Loire, à La Rochelle ou dans les îles voisines, des cargaisons à destination de Bordeaux, ne se hasardaient point en pleine mer, et, se glissant entre l’île d’Oléron et la côte de Marennes, venaient déposer leur chargement à Mornac, La Tremblade, ou tout autre port de la Seudre. Là, on expédiait par terre toutes les marchandises vers Royan, où on les rechargeait une troisième fois pour Bordeaux. La prise du port de Royan par les Anglais en 1814, puis le rétablissement de la paix, mirent un terme à ce trafic important, qu’on songeait à faciliter encore par le creusement d’un canal maritime de la Seudre à la Gironde. Royan cessa d’être une étape du grand chemin commercial de Nantes et de La Rochelle à Bordeaux, et de nouveau les caboteurs purent s’aventurer, sans crainte des corsaires, dans la mer qui baigne à l’ouest les îles de Ré et d’Oléron. Cependant il existe encore des élémens sérieux pour le renouvellement partiel du trafic qui prenait sa direction vers Royan. Les seuls ports d’Oléron, de la Charente et de la rivière de Seudre ont