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d’ouvriers employés directement à la filature et au tissage du coton n’est pas très élevé ; les machines ont peu à peu pris leur place, et tandis que le nombre des broches, des métiers, doublait et triplait, le nombre des ouvriers restait sensiblement le même. En 1856, dans un moment de grande activité de travail, il n’y avait que 379,213 personnes employées directement dans les filatures et les tissages de coton. Sur ces 379,213 personnes, les hommes âgés de plus de dix-huit ans ne figurent que pour le chiffre de 103,882 seulement ; le reste se compose de femmes et d’enfans. Il est vrai de dire que ces chiffres ne comprennent que les ouvriers des filatures et des tissages ; il existe d’autres industries annexes, telles que les impressions d’étoffes, chez lesquelles la fabrication était également suspendue. La crise ; étant limitée d’ailleurs à l’industrie du coton, divers moyens de travail s’offraient à la population dans le voisinage des grandes villes. Quoi qu’il en soit, d’après la déclaration de M. Farnall le 8 novembre 1862, dans les vingt-sept unions ou groupes de paroisses affectées par la crise industrielle, le nombre des personnes assistées par la taxe des pauvres s’élevait à 237,743. Si l’on ajoute à ce chiffre les relevés faits par quarante et un comités locaux qui distribuent des secours indépendamment de ceux provenant de la taxe des pauvres, on arrive à un chiffre total de 330,664 individus recevant l’assistance sous une forme ou sous une autre. La dépense totale pendant la première, semaine de novembre a été de 22,516 livres sterling 7 deniers, environ 1 shilling 4 deniers 1/2 par tête. Il ne faut pas oublier que, dans ce nombre d’individus assistés, on comprend les enfans de tout âge. Ce ne sont pas là des chiffres qui puissent faire de l’assistance une impossibilité, même en dehors de la taxe des pauvres. Si les secours n’ont pas été plus prompts, c’est que les boards of guardians ont été réellement pris au dépourvu. Ils comptaient trop sur les ressources de la population, et celle-ci était de son côté trop fière pour ne pas différer longtemps l’aveu de ses souffrances. De là, comme au temps de la guerre de Grimée, une certaine lenteur dans les mesures d’organisation, mais qui cette fois aussi fit bientôt place à la plus intelligente activité.

En même temps que toute l’Angleterre combinait d’énergiques efforts pour vaincre là crise, on ne perdait pas de vue les obligations qu’avaient à remplir les chefs d’industrie dans les districts atteints ou menacés. Lord Palmerston déjà les avait accusés de vendre leur provision de coton, au lieu de l’employer à occuper leurs ouvriers ; puis on découvrit que les noms des plus riches d’entre eux ne figuraient pas sur les listes de souscription. M. Kingsley, dans une série de lettres adressées au Times, signalait à l’attention publique cette étrange anomalie : tandis que les ouvriers du Lancashire