Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

introduire de l’harmonie entre les organismes disparates qui formaient toujours l’essence du système social, et, — tâche peut-être plus difficile et délicate encore, — remplacer graduellement les nombreux fonctionnaires nommés sous l’influence du parti de la croix par des hommes capables et mieux intentionnés. Enfin il fallait aussi vaincre la résistance opiniâtre de la chambre des seigneurs, où les intérêts féodaux avaient pris une position presque inexpugnable sous l’habile direction de M. Stahl. À voir cependant la bonne volonté des gouvernans, l’intelligence et la modération des gouvernés, on aurait pu prendre confiance, on aurait surtout désiré qu’un tel travail intérieur ne fût pas troublé et interrompu par les complications du dehors ; mais là devait se montrer dans toute son évidence le rapport nécessaire, fatal, qui existe désormais entre le régime constitutionnel en Prusse et le grand mouvement de l’Allemagne, et combien tout ce qui fait revivre l’un amène comme conséquence inévitable le réveil de l’autre. À peine le mot de liberté venait-il d’être prononcé, que cet autre mot magique d’unité lui répondit de toutes parts. Déjà, dans son discours d’ouverture, le prince avait dû toucher à la question du Slesvig-Holstein pour être agréable à l’opinion publique ; il était à parier que la question de Hesse-Cassel la suivrait de près. Les demandes de réforme fédérale furent remises tout à coup à l’ordre du jour, les intérêts de « la grande patrie commune » invoqués à chaque instant. Elu reste le régent lui-même n’avait-il pas déclaré dans sa célèbre allocution que la Prusse devait « favoriser l’essor de tous les élémens moraux en Allemagne et y développer les pensées d’union ? » Il est bien entendu que ces vœux et ces aspirations avaient besoin, aujourd’hui comme toujours, d’une action venue du dehors pour se formuler et sortir tant soit peu du vague ; « l’ennemi héréditaire » est décidément indispensable à la digne et majestueuse Germanie toutes les fois qu’elle doit se lever et marcher. L’impulsion de l’étranger ne tarda point à venir, et à la suite de la forte secousse que la guerre libératrice de la France en Italie imprima aux voisins d’outre-Rhin, l’idée unitaire mise au tombeau par le Bundestag en 1850 devait se retrouver en Allemagne plus forte et plus vivace que jamais.


IV

C’est ici le lieu peut-être de chercher à entrevoir l’état moral de nos voisins du Rhin après la restauration du Bundestag, de marquer de quelques traits, nécessairement rapides, les changemens intervenus dans le génie de l’Allemagne à la suite des violentes commotions de 1858. Cette année 1848, pour n’avoir rien créé et entasse