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Par Sedhiou, nous touchons aux populations du Souna, d’origine mandingue (malinké), musulmans orgueilleux et fanatiques, et par Carabane aux tribus des Djolas, des Djougoutes, des Floupis, des Balantes, encore adonnées à toutes les superstitions grossières du fétichisme, et dont les mœurs justifient les plus étranges assertions des voyageurs. Les passions religieuses des uns, la barbarie et les habitudes invétérées de brigandage des autres, opposent les plus sérieux obstacles au développement de notre influence dans ces pays, j’entends par là le développement de la production agricole et du commerce légitime, qui, sous la protection de nos comptoirs et dans la main de négocians habiles et probes, repose sur des bases sérieuses. L’exposé des motifs d’une expédition à laquelle les marins de l’Etoile purent prendre part résume la situation qui était faite aux traitans français dans le Souna : « Il restait à venger dans la Haute-Cazamance, contre les grands villages mandingues musulmans du Souna, dix années d’outrages et de violences. En 1855, les gens de Bombadiou avaient pillé nos embarcations et massacré les équipages ; en 1860, ils avaient traîné aux pieds de leur chef le commandant de Sedhiou, le lieutenant Faillu, qui avait débarqué sans défiance sur leur rivage. En 1856, les gens de Sandinieri avaient mis nos comptoirs au pillage ; en 1860, ils avaient déclaré insolemment au commandant de Gorée qu’ils n’exécuteraient pas les traités signés par eux. Dans les derniers jours de cette même année, Dioudoubou se partageait un vol de 2,500 francs fait dans Sedhiou même : enfin le 5 février 1861 les habitans de Bouniadiou, village du Pacao, sur la rive droite, venaient piller chez nos traitans une valeur de 10,000 francs. Il est entendu que nous passons sous silence une foule de méfaits moins graves. » Mais le temps des vengeances à exercer sur les musulmans du Souna n’était pas encore venu : il importait avant tout d’infliger de sévères leçons aux tribus du bassin inférieur, dont l’audace croissait chaque jour avec l’impunité de leurs brigandages. Sous les canons mêmes du fort de Carabane, les gens de Carone étaient venus naguère enlever un traitant français et sa famille, les avaient mis à rançon, et malgré les réclamations du résident français ne les avaient rendus à la liberté qu’après de longues épreuves, et quand cette rançon avait été complètement payée. De tels faits se renouvelaient tous les jours ; ils appelaient une répression énergique.

« Carone et Thiong, protégés par les marigots qui coupent en tous sens les plaines environnantes, marigots dont nous ne connaissions ni la direction ni la profondeur, se croyaient à l’abri de nos atteintes parce qu’une première expédition, faite au mois de janvier 1859 par le commandant de la station navale, n’avait pu les