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cette cachette ? Un jour pourtant, — c’était sans doute le jour de Noël, — sa fille trouva bon d’éclairer par un peu de flamme la tristesse habituelle du foyer éteint ; contre les ordres du père, elle approcha une allumette des vieux débris de journaux dont la partie inférieure de la grille était obstruée. À ce moment, l’avare, qui avait entendu le frottement de l’allumette contre les rugosités de la boîte, se précipitait dans la chambre tout effaré. Il était déjà trop tard pour sauver entièrement les billets ; mais il était encore temps d’en recueillir les lambeaux enflammés Au risque de se brûler les doigts, il retira donc du feu des fragmens roussis de bank-notes qui, par bonheur, avaient conservé les premières lettres et le numéro de manière qu’on pût en établir l’authenticité grâce au livre de la Banque. On estime à plus de six cents par année les déclarations de pertes accidentelles portant toutes ensemble sur une valeur de 16,000 livres sterling.

Un autre fait, plus singulier encore, se rattache aux premiers temps de l’institution. En 1740, un des directeurs de la Banque, qui venait d’acheter un bien de campagne, demanda, pour faciliter les moyens de paiement, une bank-note de 30,000 livres sterling en échange de cette même somme qu’il déposa. De retour chez lui, il jeta négligemment le chiffon de papier dans sa chambre sur le marbre de la cheminée, quand tout à coup il fut appelé durant quelques minutes dans une pièce voisine pour une affaire importante. En rentrant dans la chambre, quelle fut sa surprise de n’y plus retrouver le billet ! Personne n’avait mis les pieds dans cet endroit-là : sur qui donc porter les soupçons ? On finit par imaginer qu’un courant d’air avait chassé le billet dans le feu de la cheminée. Le directeur raconta sa mésaventure aux autres chefs de la Banque ; comme c’était un homme honorable et que sa parole valait de l’or, on lui remit une seconde note contre la promesse écrite de reverser lui-même les 30,000 livres sterling, si le premier billet venait jamais à se représenter. Le directeur mourut, et sa fortune avait été partagée entre les héritiers, quand, trente années plus tard, un inconnu vint réclamer le paiement de la note qu’on croyait si bien perdue. La Banque paya, tout en se réservant de faire un appel à la bonne foi des héritiers ; mais ceux-ci repoussèrent toute demande de restitution. On découvrit plus tard que la maison de l’ancien directeur avait été achetée après sa mort par un architecte qui avait jugé à propos de la démolir, et que la 'ote s’était retrouvée dans une des crevasses de la cheminée.

L’émission des bank-notes constitue un des départemens les plus étendus et les plus actifs de la Banque ; mais qui n’a entendu parler de la dette de la Grande-Bretagne ? Cette dette formidable s’élève maintenant à 780,119,722 livres sterling, et il faut toutes les res-