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désespoir dans la nuit de la barbarie asiatique ? Quand on envisage l’alternative qui s’offre à l’empereur Alexandre, on ne peut croire qu’il hésite, on espère qu’il justifiera la bonne opinion qu’il a jusqu’à présent donnée de lui ; on attend une inspiration de sa conscience, un coup d’état libérateur qui pacifiera la Pologne, et maintiendra la société russe dans les voies de la civilisation.

C’est dans cet acte décisif que l’amitié de la France peut lui être profitable. Quant à la France, jamais plus grande occasion ne s’est offerte à elle d’exercer son influence morale. Cette influence est bien plus à sa place quand il s’agit de l’employer en Europe que lorsque nous essayons de l’appliquer au-delà des mers, aux États-Unis par exemple. La réponse de M. Seward à la dépêche de notre ministre des affaires étrangères qui invitait le gouvernement de l’Union à entrer en négociation avec les confédérés n’a pas tardé à montrer la stérilité de notre démarche. Avions-nous donc besoin d’apprendre au monde que nous faisons des vœux pour le rétablissement de la paix en Amérique ? Cette démonstration superflue est en effet le seul résultat de notre projet de médiation et de notre proposition de bons offices. Nous nous trompons, nous avons aussi fourni à M. Seward l’occasion de nous persifler. Il est vrai que l’esprit de la dépêche du secrétaire d’état américain n’est que du persiflage yankee dont on a peine à saisir la malice dans une traduction. M. Seward était autrefois un orateur remarquable ; il est moins brillant depuis qu’il tient la plume pour son gouvernement. Ses dépêches sont longues, diffuses, lourdes, sans trait : il ignore les grâces du badinage diplomatique. Il nous répond assez sérieusement que les États-Unis sont loin d’être épuisés par la guerre, qu’une partie notable des états sécessionistes est au pouvoir des troupes fédérales, que l’Union, qui supporte depuis deux ans seulement une guerre immense, imprévue, à laquelle elle n’était point préparée, n’a pas après tout donné au monde une idée médiocre de sa puissance et de ses aptitudes militaires, et a le droit de continuer à se battre tant qu’il lui plaira ; mais où M. Seward se moque un peu de nous, c’est le passage où il déclare que le meilleur endroit pour une négociation entre les parties contendantes, c’est la salle même du congrès, où des places vides attendent les représentans des états dissidens. C’est nous dire nettement : Proposez aux états du sud de reconnaître préalablement l’Union, par conséquent de se soumettre, et nous ferons la paix. Cette conclusion, où la raillerie prend des proportions qui ne sont plus compatibles avec la politesse, guérira, nous l’espérons, notre département des affaires étrangères de ses goûts d’intervention dans le conflit américain.

L’Italie n’est plus le spectacle préféré de l’Europe : nous n’en sommes point fâchés pour elle ; moins observée, elle devient elle-même moins théâtrale, se recueille et s’occupe de ses affaires. Si la controverse de la question romaine avait en ce moment quelque opportunité, nous signalerions