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dont était revêtu l’auteur. L’anglican n’est pas si bien dégagé des doctrines du catholicisme que l’épiscopat soit à ses yeux une simple dignité hiérarchique. Il lui semble toujours qu’à un si haut rang, à une si solennelle consécration, doivent correspondre des grâces divines toutes particulières. Un évêque errer, un évêque renverser les fondemens de la foi ! A qui donc faudra-t-il recourir, et quelle garantie conservera le peuple chrétien, s’il doit se défier de ses propres pasteurs et des plus haut placés? Ce n’est pas tout. L’église anglicane n’avait jamais prévu un pareil péril ; elle a bien pu armer les évêques du pouvoir de poursuivre ou de suspendre les pasteurs de leur diocèse, mais elle n’a rien décidé pour le cas où l’évêque lui-même tomberait dans l’hérésie. En vain les tribunaux existent-ils; ce qui manque, c’est quelqu’un qui ait le pouvoir de déférer le délinquant aux tribunaux. Telle est la perplexité où se trouve jetée l’église d’Angleterre : elle voit l’hérésie éclater dans son sein, elle la voit envahir jusqu’à ses chefs spirituels, et elle se reconnaît impuissante à punir le coupable et à se préserver du danger.

Le caractère ecclésiastique de l’auteur était une aggravation de l’offense; il faut avouer cependant que l’ouvrage du docteur Colenso était assez alarmant déjà par lui-même. Quelque familière que l’Angleterre fût devenue avec les travaux de la critique biblique, elle n’était pas encore préparée à des résultats tels que ceux auxquels arrivait l’évêque de Natal.

La critique des saintes Écritures n’est pas une science à part; c’est tout simplement la critique historique appliquée à l’histoire de la religion juive et de ses développemens. Qu’il s’agisse de livres dits sacrés ou de livres dits profanes, le but, la méthode, les moyens d’investigation sont absolument les mêmes. On se propose toujours de peser des témoignages, de contrôler des traditions, de démêler le vrai du faux. Du moment que la Bible se présente, non pas comme un livre tombé du ciel, mais comme une collection d’ouvrages écrits en différens temps, dans des circonstances particulières et par des hommes semblables à nous, il est permis de rechercher quelles sont leur origine et leur valeur, de se demander d’où ils viennent et à quelle autorité ils peuvent prétendre.

La critique historique se divise en deux branches, la critique des documens et la critique des faits.

La critique des documens est la partie la plus nouvelle de la science, celle qui, de nos jours, a pris le plus de développemens et a fourni le plus grand nombre de résultats inattendus. Elle consiste à chercher dans le texte même d’un ouvrage, dans son style, dans les notions qui forment l’horizon intellectuel de l’écrivain, dans les