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indications indirectes qui se sont glissées sous sa plume, à y chercher, dis-je, des renseignemens sur l’auteur, l’époque et le but de l’ouvrage. Le critique part de l’incertitude de la tradition: cette tradition, il sait par de nombreux exemples qu’elle est souvent erronée, et par conséquent toujours suspecte. Il s’agit donc de la confronter avec le témoignage involontaire des textes, de voir si ceux-ci la confirment ou la contredisent, et, dans ce dernier cas, d’essayer de la remplacer par des données qui pourront être incomplètes, insuffisantes, mais qui reposeront du moins sur une base solide. On comprend d’ailleurs que les résultats auxquels on arrive ainsi seront le plus souvent négatifs. Il est plus aisé de prouver que les lettres de Platon ou quelques-uns des discours de Cicéron n’ont pas été véritablement écrits par ceux dont ils portent le nom que d’en découvrir le véritable auteur. Il est certain que l’épître aux Hébreux n’est pas de saint Paul, mais il n’est pas certain, comme on l’a conjecturé, qu’elle soit d’Apollos. On voit bien que les fausses décrétales ne sont pas authentiques, mais toutes les circonstances qui ont présidé à la fabrication de ce fameux recueil ne sont pas également claires. Il n’en est pas moins vrai que la critique a souvent réussi à jeter un jour singulier sur des ouvrages d’une haute antiquité. La portion des Écritures juives dont s’est occupé le docteur Colenso en est un exemple. On sait que le Pentateuque est un recueil de cinq livres renfermant l’histoire des origines de l’humanité et celle du peuple hébreu jusqu’à la mort de Moïse. Moïse lui-même, si l’on en croyait la tradition, serait l’auteur de ce récit. Il faut dire que l’examen le plus léger suffit pour renverser cette opinion; non-seulement l’ouvrage lui-même ne prétend point à une si haute parenté, mais il renferme une foule de données qui sont inconciliables avec la supposition dont il s’agit. Toutefois on ne s’est pas arrêté à cette conclusion négative. Un examen plus attentif a fait découvrir que le Pentateuque se compose de divers documens, que l’un de ces documens, histoire suivie et étendue, a été plus tard remanié et complété par une autre main, et qu’il n’est point impossible de faire le partage des morceaux qui appartiennent à l’un et à l’autre des deux rédacteurs. Ce n’est pas tout : on a pu établir d’une manière approximative la date du document primitif et celle du remaniement auquel il a été soumis plus tard. Le livre, ramené à sa première forme, désigne l’époque dont il parle comme un temps où le peuple d’Israël n’avait pas encore de rois; il est clair d’après cela que l’auteur écrivait postérieurement à l’établissement de la monarchie. L’auteur, d’un autre côté, ne connaît encore ni Jérusalem ni le temple de Jérusalem; il s’ensuit qu’il écrivait avant le règne de Salomon, qui construisit le temple, et même avant celui de David, qui.