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pourrait citer, comme ayant bien compris ce rôle, plusieurs des hommes distingués que le gouvernement français a mis depuis quelques années à la disposition du gouvernement turc. Si M. de Plœuc, inspecteur-général des finances délégué à Constantinople, a réussi depuis quatre ans à améliorer sensiblement la situation pécuniaire de la Turquie, si sous son influence le calme a été enfin retiré et le déficit considérablement diminué, c’est que tout d’abord il avait senti qu’il ne pouvait être question pour le moment d’établir en Turquie une administration et une comptabilité financière calquées sur le patron français. Tandis que d’autres proposaient tout un système compliqué de réformes savantes qui supposaient une armée d’employés dressés à nos pratiques d’administration et importés d’Europe ou tombés tout exprès du ciel, M. de Plœuc avait très bien vu que le meilleur moyen de ne rien faire était de vouloir trop faire d’un seul coup. Selon lui, ce serait déjà beaucoup d’arriver a savoir tout de suite, avec une approximation plus ou moins exacte, ce que l’on recevait et ce que l’on dépensait. Sans multiplier bureaucrates ni paperasses, l’observation de certaines règles très simples suffirait pour assurer d’importans résultats. Enfin, avant de songer à organiser une cour des comptes, il convenait de créer de meilleures mœurs administratives en faisant quelques exemples, en punissant sévèrement les plus effrontés voleurs des deniers publics pour donner à réfléchir aux autres. Peut-être même n’eût-il pas été mauvais de pouvoir revenir pour une quinzaine de jours à l’époque où le sultan envoyait le cordon au pacha qui avait trop impudemment volé peuple et prince. Une ou deux exécutions de ce genre auraient eu plus d’effet sur les comptables qu’une de ces institutions pompeusement annoncées qui ne valent que par les hommes qui les appliquent. La Grèce a depuis bien des années une cour des comptes ; demandez à ceux qui ont vu de près la Grèce, qui ont examiné, comme M. de Plœuc, l’histoire et l’état de ses finances, si cette haute magistrature a jamais rendu au pays des services réels, si elle a signalé un abus ou relevé un détournement !

Ce même esprit modéré et pratique se retrouve chez les quelques Français qui jouent le premier rôle dans le conseil des travaux publics. Ce conseil est presque uniquement composé d’Européens ; il n’y entre que trois sujets du sultan. Le ministre du département. auquel il se rattache en est censé le président ; mais en fait ces fonctions sont remplies tantôt par un ingénieur, M. Deleffe, tantôt par un conservateur des eaux et forêts, M. Tassy[1]. Cette commission permanente se réunit à la Porte deux fois par semaine ; tous les projets de travaux d’utilité publique, toutes les demandes de concession

  1. M. Tassy a, depuis quelques mois, été rappelé en France.