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étreinte. Tous les trois ou quatre jours, les braconniers viennent visiter leurs lacets et emporter le gibier qui s’y trouve pris. Les gardes les connaissent bien, mais le difficile est de les prendre sur le fait. Il en est d’autres qui ne braconnent que par occasion, et qui se bornent, quand ils savent les gardes occupés ailleurs, à venir tirer un faisan ou un chevreuil. Il s’en est même trouvé qui chassaient en voiture. Circulant dans toute la forêt comme de simples promeneurs, ils n’inspiraient aucune défiance ; mais dès qu’ils apercevaient une pièce quelconque, ils l’abattaient à un coup de fusil, la cachaient dans leur voiture et continuaient tranquillement leur promenade. Quant aux propriétaires riverains, ils considèrent comme de bonne, guerre de semer sur leur terrain du sarrasin pour y attirer les faisans, qui en sont très friands, ou de faire battre les cantons voisins pour en chasser le gibier qu’ils attendent sur les limites. Il faut aux gardes plus que de l’habileté pour déjouer toutes ces ruses, il leur faut un grand courage, et plus d’un déjà est tombé victime de son devoir. On a créé pour les aider un corps spécial de gendarmes à cheval qui n’ont d’autre fonction que la police et la surveillance de la forêt, et qui les accompagnent dans leurs patrouilles nocturnes.

Les gardes ont l’ordre de détruire tous les animaux nuisibles qu’ils rencontrent, et l’on considère comme tels tous ceux qui vivent aux dépens du gibier, en mangent les petits ou dévorent les œufs. Les renards, fouines, belettes, putois, taupes, mulots, etc., sont poursuivis par eux avec acharnement, et une prime leur est allouée pour chaque tête d’ennemi qu’ils apportent. Pour s’en emparer, ils tracent des sentiers d’assommoir, c’est-à-dire de petits sentiers de 30 centimètres de large, qui traversent les massifs dans toutes les directions. De distance en distance sont placées de petites caisses en bois masquées par des broussailles, et dont le couvercle, soulevé par une baguette posée sur une espèce de bascule, est chargé d’une pierre. Le matin, quand les animaux se mettent en campagne pour chercher leur nourriture, ils suivent de préférence ces sentiers plutôt que de passer à travers l’herbe humide de rosée. Arrivés à ces caisses, ils mettent par leur poids la baguette en mouvement et font tomber le couvercle, qui les écrase. On prend aussi par ce moyen une quantité considérable de lapins, car les gardes, ayant le droit d’en consommer un certain nombre pour leur compte, et tenus d’en, livrer également aux agens, cherchent autant que possible à ménager leur peine, leur poudre et leur plomb. Cependant le procédé le plus en usage pour le lapin est l’emploi du furet. Il suffit de l’introduire dans un terrier pour que les habitans éperdus s’enfuient de tous côtés, et si l’on a pris la précaution de placer des filets à l’ouverture, on s’en empare facilement. Quand on veut au contraire procéder