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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/639

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à la vertu, dit-il, pour parvenir à la vraie félicité ; elle tire parti des richesses, des honneurs, des magistratures, des armées, des commandemens, qui lui permettent d’agir avec plus de liberté et de grandeur ; elle fait servir à ses fins les armes, les chevaux, les riches ameublemens, les statues, les tableaux, tous les ornemens de la prospérité, — les amitiés aussi et les joyeuses compagnies ; elle appelle des extrémités du monde les plus fameux philosophes, elle rassemble les livres, elle recueille tous les monumens où se conservent les antiques souvenirs de l’humanité ; elle se fait apporter d’Arabie ou des Indes et du fond de l’Orient des herbes, des plantes, des animaux ; elle y ajoute les sphères, les globes, les images du ciel et de la terre, et de tout cela elle fait son profit pour s’élever aux félicités de la contemplation… »


Pourquoi l’homme est-il appelé à étendre sa vie de toutes parts et à reculer autant qu’il est en lui les bornes de son être ? C’est que l’homme, par la place qu’il occupe dans la hiérarchie des créatures, est véritablement le centre de l’univers. En lui, la nature se connaît et s’initie aux mystères de l’esprit, et, quand il lui plaît, il répand dans le sein de l’aveugle matière le Dieu dont il est plein. Oui, la matière informe, inerte, il l’ennoblit en la dressant au service de l’intelligence, et l’on dirait qu’il lui donne le sentiment et la pensée. C’est peu encore : par la magie ou par la cabale (car il est une magie sainte et favorisée de Dieu), il entre en communication avec ces âmes inférieures qui dorment ensevelies dans les ténèbres de la matière ; il les appelle, il les éveille, il les unit, les marie entre elles, et ces combinaisons produisent des effets surprenans où la raison ne peut atteindre. « La magie, a dit Pic, repose sur le mariage des vertus secrètes de la nature, magicam operari non est aliud quam maritare mundum. » Et plus surprenans encore que ces effets magiques sont les prodiges enfantés par la prière. Un cœur que dévore la fièvre de l’amour divin sait faire à la Divinité de saintes violences ; il la contraint de descendre en lui, et, au nom de cet hôte invisible qui lui communique sa puissance, il commande en maître à tout ce qui méconnaissait encore son empire ; il se fait entendre des flots irrités, des orages, de la mort elle-même, plus sourde encore que les tempêtes.

Cependant l’homme n’a accompli que la moitié de son œuvre, quand il lient sous ses lois les royaumes des êtres inférieurs. Placé aux confins et au point de rencontre de deux mondes, il les doit conquérir l’un et l’autre. Qu’il sache le vouloir, et, sans quitter la terre, le ciel sera son partage. La raison qui lui est propre n’est pas le suprême avantage dont il jouisse. O saintes déraisons où l’homme,