Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/981

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

communication est totale et définitive. » — Cette exécution ecclésiastique, remarquons-le bien, avait alors une très grande portée, parce que, la plupart des baux étant payés en grains, les propriétaires étaient souvent obligés de faire des réserves et d’attendre les circonstances favorables pour réaliser, sous peine de compromettre leurs revenus. Représentons-nous donc l’homme riche, mal vu dans son quartier, parce qu’on le soupçonne, à tort ou à raison, de cacher des blés, ou de les vouloir vendre plus cher qu’ils ne valent. En pleine église, il devient le point de mire de tous les pauvres affamés, quand le prêtre roule les foudres ecclésiastiques sur la tête des monopoleurs. Quel trouble de conscience, s’il est dévot ! Quelle frayeur d’être dénoncé le lendemain par quelque valet à ses gages, croyant faire œuvre pieuse !


III.

Un tel régime était peu favorable aux progrès de l’industrie. La sécurité n’existant nulle part, aucun n’était tenté de risquer son petit pécule pour perfectionner sa fabrication. On se laissait croupir dans la routine. Le moulin banal, n’ayant pas besoin de se gêner avec son public, était souvent mal outillé, géré par des agens maladroits ou malhonnêtes. Le meunier particulier, entravé comme on l’a vu, n’était qu’un pauvre artisan à qui il était difficile de vivre honnêtement de son métier. Une des préoccupations de la police est d’empêcher les petites friponneries dont le cri populaire accuse le meunier ; défense lui est faite d’avoir un four dans sa maison, pour qu’il ne cède pas à la tentation de faire son pain aux dépens d’autrui. Défense de nourrir des volailles et des porcs qui feraient disparaître le son, d’employer des récipiens carrés, pour qu’il ne puisse pas s’approprier la farine collée aux angles. L’autorité intervint souvent pour le règlement des prix de mouture. L’usage le plus général était de donner un seizième en poudre du grain écrasé, ce qui, dans les temps de cherté, augmentait beaucoup le salaire. Chacun apportant au moulin le blé selon les besoins journaliers du ménage, c’était chose d’importance de faire respecter l’axiome : « qui premier vient, premier engrène. » On admit à la longue que le blé ne devait pas rester plus de trois jours dans le moulin féodal sans être trituré. Après ce délai, le vassal avait droit de le reprendre pour le porter ailleurs. Ne refusons pas un souvenir à ces menus détails : la mouture et la paneterie, ainsi faites à fur et mesure des besoins, tenaient une grande place dans la vie de nos ancêtres, et chaque simplification a brisé un des anneaux de leurs chaînes.

Comme technologie, il ne paraît pas que le métier ait progressé