Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/810

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en permanence au conseil de Paris les représentans de la grande propriété?

Il serait d’autant plus nécessaire de rendre à tous ces intérêts divers leur part légitime d’influence dans le conseil municipal, que le décret du 9 janvier 1861 est venu aggraver encore le caractère exceptionnel du régime administratif de Paris. En augmentant les pouvoirs du préfet de la Seine, en l’affranchissant, dans beaucoup de cas, du recours nécessaire à l’autorité supérieure du ministre de l’intérieur, dont le décret du 24 mars 1852 avait maintenu le contrôle sur de si graves intérêts, le décret du 9 janvier 1861 a créé une. omnipotence inconstitutionnelle, que les modifications apportées aux lois relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique arment encore d’un nouvel et plus redoutable instrument.

Avant la révolution de février, l’expropriation pour cause d’utilité publique était régie par la loi de 1841, la dernière et la plus complète qui eût été promulguée sur cette importante matière. A cette époque, l’expropriation semblait une cause de ruine contre laquelle ceux qui s’y trouvaient soumis luttaient jusqu’au dernier moment au préjudice de l’achèvement des travaux réclamés par un besoin public. De nos jours au contraire, l’expropriation est devenue généralement une bonne fortune, et l’administration n’a plus à combattre contre de longues résistances. Le mal aujourd’hui ne réside qu’en un point, mais il est grave, la facilité avec laquelle l’utilité publique est déclarée, et par conséquent l’expropriation rendue possible. La loi de 1841, pas plus que les lois antérieures, ne définissait l’utilité publique; il était établi cependant que l’expropriation ne peut être employée qu’après impossibilité démontrée d’exécuter autrement un travail déterminé, et l’article 3 contenait la nomenclature de ces travaux d’utilité générale intéressant l’état, les départemens et les communes, qui peuvent donner lieu à expropriation, mais seulement en vertu d’une loi. Le régime de l’ordonnance royale était réservé à des entreprises de minime importance. L’autorité municipale n’avait d’action que pour l’élargissement des rues par voie d’alignement. Proposer une loi, la discuter devant les chambres avec une presse toujours éveillée, c’était entourer de garanties suffisantes l’éviction des propriétés particulières.

Dès 1850, une innovation grave en ce qui concerne les travaux dans Paris fut introduite par la loi du 13 avril sur les logemens insalubres. L’article 3 autorisa la ville à exproprier non-seulement la totalité des immeubles compris dans le périmètre des travaux qui pourraient être rendus nécessaires pour cause d’insalubrité permanente, mais encore les portions de ces immeubles restées en dehors de l’alignement. La loi de 1851, qui autorisa le prolongement de la