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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/944

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intérieur, finances; guerre, relations extérieures, police. La direction de la presse, germe d'un futur ministère de l'instruction publique, a pour le moment la mission de rectifier les fausses nouvelles, de réagir sur l'opinion publique et de surveiller les publications privées. L'administration des provinces a été refondue et organisée sur le modèle des anciens palatinats, en laissant absolument de côté la division russe en gouvernemens. Il y a aujourd'hui huit palatinats dans le royaume, treize dans la Lithuanie et la Ruthénie, des districts, des arrondissemens, et à peu près quatre mille paroisses ou communes. Chaque palatinat a son gouverneur, chaque district a son chef. La ville de Varsovie a même son administration particulière, et cette machine étrange fonctionne régulièrement; elle a sa hiérarchie d'employés, son action quotidienne.

L'activité de ce gouvernement a été tout simplement prodigieuse en six mois, et elle a eu un double but : d'un côté frapper la Russie d'impuissance en détruisant ou paralysant tous ses moyens d'action, de l'autre créer et organiser les ressources nationales. Les moyens d'action de la Russie, le gouvernement occulte les a atteints directement et singulièrement en opposant à la police ennemie une police plus habile, qui voit tout, qui sait tout, qui est arrivée parfois à intercepter des dépêches destinées au grand-duc Constantin ou émanées de lui, en défendant de payer les impôts au gouvernement russe, de faire des contrats avec lui, de lui livrer des fournitures, en faisant saisir des fonds jusque dans les caisses du trésor public à Varsovie, en frappant d'inaliénation toutes les propriétés nationales et en abolissant la loterie. L'action nationale, le gouvernement l'a organisée et développée en se substituant lui-même en réalité au gouvernement russe dans l'administration des provinces, dans le prélèvement des contributions, en se manifestant par tout un ensemble d'actes à l'intérieur et par les agences diplomatiques qui représentent la Pologne au dehors. Ce qui est plus curieux que l'existence même de ce gouvernement et ce qui seul le rend possible, c'est la spontanéité et la facilité avec lesquelles le pays tout entier lui obéit. Il y a eu plus d'une fois des ordres dont on ne comprenait pas le sens parce qu'ils ne pouvaient être expliqués ou qui semblaient inutiles et qu'on ne respectait pas moins. L'acte qui est resté, je crois, le plus sans effet a été à un certain moment l'ordre donné aux habitans de ne plus se servir des chemins de fer et aux employés polonais de ces chemins de donner leur démission. C'est une exception. Le gouvernement a interdit de voyager sans un passeport scellé de son sceau; tout le monde s'est servi du passeport; il y a eu même des Russes résidant en Pologne qui se sont munis de cet étrange sauf-conduit délivré par des insurgés.