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navigue sur les immenses fossés et entre l’escarpe et la contrescarpe d’une gigantesque citadelle. Voici d’abord l’île de Walcheren. En venant du midi, on y aborde par Flessingue, port militaire qui, situé sur la Mer du Nord, conserve encore sa profondeur ; mais on regrette en arrivant de ne plus passer sous cette ancienne porte où on lisait cette belle inscription latine du XVIe siècle : Hæc porta, quæ prima portarum omnium belgicarum servituti aditum clausit, libertati aperuit. L’île de Walcheren, si uniforme vue du dehors, présente à l’intérieur, un aspect enchanteur. Les fermes de moyenne grandeur, — de 20 à 25 hectares, — sont admirablement tenues. Les bâtimens soigneusement blanchis au lait de chaux, et les portes, les fenêtres, les barrières, les granges peintes à l’huile, les haies exactement tondues, les fossés partout creusés pour faciliter, l’écoulement des eaux, les champs sarclés et nettoyés à la main de façon à ne pas y laisser, la moindre mauvaise herbe, les routes dans le meilleur état, et les chemins de terre même maintenus sans ornières, tout révèle le travail bien entendu d’une population active et intelligente. C’est le soin minutieux de la culture flamande appliqué à un sol d’excellente qualité. Plus de cinquante maisons de campagne, avec leurs beaux et antiques ombrages, leurs pelouses semblables à des tapis de velours vert, leurs massifs de fleurs aux mille nuances, donnent à la contrée un air d’aisance et de prospérité. Le costume pittoresque des paysans, si souvent reproduit par les artistes, complète le caractère original du paysage. Les hommes portent un chapeau à petits bords, presque toujours orné, d’une fleur, une veste courte et de larges hauts-de-chausses en velours noir, relevés de boutons d’or ou d’argent ; les femmes, un chapeau de paille garni de rubans bleus, des jupons courts rayés bleu et blanc, un corsage noir et les bras toujours nus, suivant cette coutume de leurs aïeules les Germaines, dont Tacite n’a pas dédaigné de nous conserver le souvenir : partemque vestitus superioris in manicas non extenduntj nudæ brachia ac lacertos.

Ici la terre ne se repose jamais : elle porte alternativement des céréales, froment, seigle et avoine ; des plantes industrielles, colza, lin, garance ; des légumineuses, févéroles, pois et trèfles, et des plantes sarclées, pommes de terre, betteraves, etc. On obtient aussi, comme en Flandre, des navets en seconde récolte, ce qui permet de donner au bétail une nourriture verte pendant l’hiver. La variété de pois récoltés dans les îles, et connue ailleurs en Hollande sous le nom de pois zélandais zeeuwsche erwten, occupe une place importante dans la rotation. C’est un excellent produit, qui donne autant que le froment, — par hectare 21 hectolitres, au prix moyen de 22 francs l’hectolitre, — et qui a l’avantage de moins épuiser la